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public obtenait satisfaction, puisque l’achèvement et l’exploitation des lignes secondaires étaient assurés ; les capitaux consacrés à ces lignes échappaient à la ruine totale dont les menaçait une faillite reconnue certaine ; les grandes compagnies se voyaient délivrées des embarras et des pertes que pouvaient leur causer les efforts désespérés d’une concurrence aux abois ; enfin, le gouvernement, espérant mettre fin aux difficultés et aux réclamations de toute nature qu’entretenait une situation profondément troublée, estimait sagement que la solution de tous ces litiges et le salut partiel de tant de capitaux compromis valaient bien quelques sacrifices de la part du trésor ; il ne s’agissait, d’ailleurs, que d’étendre aux lignes rachetées à l’amiable par les anciennes compagnies le régime de la garantie d’intérêt.

Cette combinaison fut repoussée par la commission de la chambre des députés. Les adversaires du projet objectèrent qu’il concédait à la compagnie d’Orléans des stipulations financières trop favorables et qu’il laissait à la charge du trésor public une trop grosse part du prix qui devait revenir aux compagnies rachetées. On fit, en outre, observer que le sentiment des populations desservies par les lignes des Charentes était contraire à l’absorption de ces lignes dans le réseau d’Orléans et qu’il fallait se garder d’augmenter, par une extension aussi large, la puissance de la grande compagnie. La commission proposa donc de rejeter les traités qui étaient soumis à la chambre ; mais, comprenant qu’il était nécessaire et urgent d’arriver à une décision, elle avait rédigé une résolution par laquelle le ministre des travaux publics était invité à présenter, sous le plus bref délai, un projet de loi pour assurer à service des lignes « soit par la constitution de réseaux distincts et indépendans, soit au moyen du rachat par l’état et de l’exploitation par des compagnies fermières en appliquant comme base du rachat les dispositions de la loi de 1874, » c’est-à-dire le remboursement du prix réel de premier établissement. Par la même résolution, le ministre était chargé « de tenir compte du double besoin qui incombe à l’état d’assurer à l’avenir la construction et l’exploitation des lignes reconnues nécessaires et de faire disparaître les inégalités et l’arbitraire des tarifs. »

Il était évident que cette résolution ne pouvait avoir d’effet immédiatement utile, car elle impliquait le remaniement complet du système des chemins de fer, elle imposait une longue étude et elle ne pouvait, par conséquent, remédier à la crise qui frappait les lignes secondaires. Aussi le premier résultat de la publicité donnée au rapport de la commission fut-il de précipiter la mise en faillite de quelques-unes des petites compagnies auxquelles le rejet de la combinaison ministérielle enlevait leur unique chance de salut. La discussion parlementaire qui s’engagea au mois de mai 1877