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possibles une réserve pareille, de beaucoup supérieure très certainement à toutes celles dont les lacs des Alpes assurent l’emploi aux plaines lombardes, il suffirait d’affecter à l’usage de ces lacs artificiels une superficie de terrains de très peu de valeur, ne dépassant pas 3 ou 4,000 hectares.

L’entreprise nécessiterait comme opération préalable une fouille de 3 à 4 milliards de mètres cubes, triple de celle qui serait nécessaire pour recouvrir le sable des Landes d’une couche uniforme de limons fertilisans ; et ce surcroît de déblai ne trouverait pas ailleurs un emploi moins avantageux pour l’amélioration du sol arable ou le comblement des marais et étangs littoraux. Ce serait sans doute une entreprise de longue haleine qui ne pourrait se terminer en un jour, mais dont les résultats d’amélioration graduelle s’accroîtraient d’eux-mêmes progressivement, ne tarderaient pas à faire de toute cette région sous-pyrénéenne la contrée du monde la plus favorisée, au double point de vue agricole et industriel, par la fertilité de son sol régénéré, aussi bien que par l’abondance de ses eaux courantes.

Des résultats analogues, bien que moins avantageux peut-être, pourraient être réalisés en maint autre endroit, car, si importante que soit l’entreprise de la fertilisation des Landes, elle ne doit être que le point de départ d’une série d’améliorations analogues qui peuvent, en moins d’un demi-siècle, uniformiser la fertilité sur plus de la moitié de notre territoire.

Il y a quinze ans, dans des conditions un peu différentes, car on ne prévoyait pas encore la concurrence des productions américaines, j’écrivais déjà :

« A mesure qu’un peuple progresse en civilisation, ses besoins matériels s’accroissent: une plus grande quantité d’objets de consommation de diverse nature lui devient nécessaire ; et cependant, à population égale, sa puissance en travail manuel diminue plutôt qu’elle n’augmente. L’homme ne peut rétablir l’équilibre qu’en faisant un meilleur usage de ses facultés, en donnant une plus large part au travail industriel, en s’étudiant à substituer à ses efforts musculaires ceux des agens mécaniques naturels, dont il apprend à utiliser les forces de mieux en mieux.

« L’ouvrier européen n’est ni plus habile, ni plus patient, ni plus laborieux surtout que ne l’étaient ses devanciers aux siècles passés, que ne l’est encore, en d’autres points du globe, l’ouvrier indien ou chinois. Notre supériorité résulte uniquement d’une meilleure organisation industrielle. Par l’accumulation dans un seul atelier de forces jadis éparses, par la division du travail et la généralisation des frais de direction, par un large emploi surtout des moteurs inanimés, le manufacturier est parvenu à réduire dans une forte proportion la