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pailleux suppléant au sable, à la matière divisante qui leur fait défaut. En revanche, si le limon, sur une épaisseur convenable, ne peut à lui seul constituer une bonne terre végétale, répandu en couche mince, même sur des limons anciens de même origine, il exerce sur eux une action fécondante incontestable, qui est due, non pas à la quantité totale d’élémens minéraux utiles que ces limons renferment, mais à la proportion relative de celles de ces substances qui ont été rendues assimilables par l’action mécanique du transport.

En dehors de cette valeur accidentelle des alluvions récentes, qui a pourtant son importance, la valeur relative d’une terre végétale résulte surtout de la variété de composition chimique du limon minéral qui la compose. Au point de vue pratique, ces élémens chimiques indispensables peuvent être considérés comme se trouvant généralement en quantité suffisante dans les deux élémens actifs les plus essentiels des limons, qui sont l’argile et le calcaire marneux. L’argile provenant de la désagrégation des feldspaths naturels apporte avec elle en effet la silice, l’alumine, le fer, la potasse, etc. Le calcaire marneux produit par la trituration des calcaires sédimentaires contient, avec la chaux, les phosphates, les sulfates, la magnésie, le chlorure de sodium, etc.

Je crois donc pouvoir dire en thèse générale que la terre végétale est un mélange en proportions variables d’un limon argilo-calcaire et de sable quartzeux ou toute autre matière inerte, ayant les mêmes propriétés divisantes.

Tous les terrains meubles qui contiennent ces trois élémens en quantité convenable constituent, ou sont susceptibles de constituer par le fait de la culture, de bonnes terres végétales. Toute terre à laquelle manque un de ces trois élémens, principalement l’argile ou le calcaire marneux, ne peut devenir végétale que tout autant qu’on lui apporte du dehors le complément minéral qui lui fait défaut. Telle est en fait l’explication de la pratique du marnage, qui a pour but de suppléer à l’insuffisance de la partie limoneuse de certaines terres par l’apport de la marne, formation géologique plus ou moins ancienne, qui n’est autre chose qu’un limon argilo-calcaire. On conçoit toutefois que l’opération du marnage, limitée par les frais d’entretien et de transport à l’emploi de 30 ou 40 mètres au plus de marne par hectare, ne peut avoir que des effets incomplets et temporaires; qu’il en serait tout autrement si, sans avoir égard à la distance, on pouvait marner à beaucoup plus haute dose, et par-dessus tout choisir la marne, au lieu de la prendre au hasard, pour fournir plus expressément au sol l’amendement minéral qui aurait été reconnu lui faire surtout défaut. Tel a été le point de départ de la