Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/668

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

véritable sens. Cicéron n’a jamais voulu dire que l’étranger, reçu comme un hôte, pouvait désormais tout se permettre. Si l’hospitalité impose des devoirs à celui qui la donne, elle en impose de plus grands à celui qui la reçoit. Celui qui se sert de l’hospitalité pour surprendre et pour tromper plus sûrement un bienfaiteur imprévoyant perd son droit à l’hospitalité.

Or si ce bienfaiteur est un état, il est strictement assujetti à certains devoirs dont peut, à la rigueur, se dispenser un particulier. L’état n’a pas le droit d’être imprévoyant. Il est précisément institué pour prévoir, puisqu’il est institué pour gouverner. A quoi bon un gouvernement s’il ne maintient pas la sécurité générale, c’est-à-dire s’il ne conjure pas les périls privés et publics qui peuvent assaillir soit les individus, soit la nation ? S’il peut le faire, il le doit. Il n’a pas, en effet, d’autre raison d’être. Donc il peut surveiller tous les étrangers et doit, à certains momens, surveiller quelques-uns d’entre eux.

Mais ce droit de surveillance ne peut pas être illusoire. S’il s’exerce, il doit s’exercer avec efficacité. Après une enquête sérieuse, un gouvernement comprend, à n’en pas douter, que ses hôtes le trahissent. Va-t-il rester désarmé? C’est ici que certains publicistes élèvent la voix en faveur de l’étranger : s’il a, disent-ils, enfreint la loi pénale, qu’on le livre aux tribunaux de répression; s’il ne l’a pas enfreinte, le gouvernement n’a pas de comptes à lui demander. A notre avis, l’erreur est palpable. Ces publicistes persistent à traiter les étrangers comme des nationaux ; nous avons montré qu’ils se trompaient et pourquoi ils se trompaient. Ces étrangers accueillis par une nation, mais n’ayant ni les mêmes intérêts, ni les mêmes charges, ni la même foi politique que les nationaux, s’astreignent à certains devoirs dérivant de l’hospitalité même qu’ils reçoivent, et, par conséquent, confèrent sur eux à cette nation certains droits dérivant de l’hospitalité qu’elle donne. Si ces devoirs spéciaux sont violés, la nation doit veiller à sa propre sûreté, c’est-à-dire mettre ses hôtes hors d’état de lui nuire quand même aucun texte de loi pénale ne leur serait applicable. Puisque vous conspirez contre moi, leur dira-t-elle, puisque vous cherchez soit à troubler mon repos, soit à m’atteindre dans mon indépendance ou dans mon honneur, vous repoussez la main que je vous avais tendue et vous trouverez bon que je la retire : cessez d’être mes hôtes.

Nous croyons avoir établi la légitimité du droit d’expulsion. Est-ce à dire que ce droit soit illimité?

Aucun état, dit Bluntschli (Droit intern. codifié, règle 381), n’a le droit d’interdire d’une façon absolue aux étrangers l’entrée de son territoire et de fermer le pays au commerce général. C’est de toute évidence. La suppression des rapports internationaux est une