serait convaincu d’avoir volontairement contracté une obligation de service personnel qu’il ne lui est pas possible de racheter, » combat avec un surcroît de vigueur le droit d’expulsion tel que l’entendent la plupart des peuples européens. Il l’envisage comme « une flagrante violation des droits imprescriptibles de l’homme » et conclut à peu près comme M. Clovis Hugues : « Nulle différence donc entre l’étranger et les nationaux quant à la jouissance et à l’exercice des droits civils, qui ne sont autre chose que les trois droits naturels de la sûreté, de la liberté et de la propriété, garanties par la loi du pays; car là où il y a identité de raison, il faut qu’il y ait identité de disposition. » Bluntschli, d’accord avec la majorité des publicistes, professe une opinion tout opposée. Il s’agit de chercher où est la vérité.
En premier lieu, l’assimilation complète entre les nationaux et les étrangers, proposée par Pinheiro-Ferreira, est contraire à la nature des choses. L’humanité ne forme pas et, selon toute apparence, ne formera jamais une seule nation. Il est bien difficile d’imaginer que, même dans l’avenir le plus lointain, les pays scandinaves, la Guinée et le Japon puissent être regardés comme les départemens d’un même état. L’espèce humaine se compose de différentes races éparpillées sous des climats divers et qui n’ont ni les mêmes facultés, ni les mêmes goûts, ni les mêmes besoins. Cette diversité même est un trait caractéristique de la grande race humaine, que rien ne saurait effacer. Elle n’implique pas un état d’hostilité ni même d’inimitié; mais elle implique, à coup sûr, une émulation très utile et très féconde entre les différentes branches de la famille universelle. Ce serait un bien faux idéal que celui d’un gigantesque empire embrassant tous les peuples, courbant le monde entier sous un même joug, uniformisant tout et par là même aplatissant tout. Les cadres sont mobiles; mais il y aura toujours des cadres. Rien n’empêchera les hommes de se grouper selon certaines affinités et, par là même, de constituer des nations distinctes. On n’abolira pas l’idée de patrie.
S’il en est ainsi, comment un peuple pourrait-il mettre exactement sur le même plan tous les hommes qui se trouvent réunis, à un moment donné, sur son territoire, étrangers ou nationaux? Les nationaux ont des devoirs et des intérêts communs. Ils travaillent de concert à la grandeur et à la prospérité de leur pays; ils peuvent être divisés sur les moyens, mais ils ne peuvent l’être, s’ils ne sont les derniers des hommes, sur le but. Alors même qu’ils compromettent par leurs imprudences ou leurs folies le sort de la patrie, c’est elle qu’ils veulent et croient servir. Ils paient des impôts, quelquefois très lourds, pour assurer, par une bonne organisation des services publics, son repos et sa sécurité ; ils sont prêts à donner