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4 milliards, c’est-à-dire qu’il faudra trouver 120 ou 160 millions de francs pour payer les intérêts des capitaux employés à cette œuvre. Que tous ces chemins tertiaires gravissant souvent des montagnes rapportent peu de chose, il est inutile de le démontrer. Notre réseau de chemins de fer d’intérêt local ne donne qu’un intérêt de 1 1/4 pour 100 relativement au prix d’établissement; or les lignes d’intérêt local ont été faites à très peu de frais, et la plupart desservent des régions moins ingrates que celles que traverseront les chemins nouveaux. Ces lignes seront donc improductives au moins pendant longtemps; l’état lui-même en a conscience puisqu’il inscrit à son budget extraordinaire, dès maintenant, une somme d’environ 5 millions pour l’insuffisance du produit des lignes qu’il est en train de construire; or celles-ci sont les premières, par conséquent, les meilleures de la série. Si es compagnies se chargent de faire à leurs frais la moitié environ de ces 17,000 kilomètres et de les exploiter, ce n’est pas seulement en 1883 que l’état n’aura pas besoin d’emprunter, ce sera peut-être aussi en 1884; dans les années suivantes, ses emprunts seront notablement réduits, le chapitre des intérêts de sa dette ne grossira pas dans des proportions aussi formidables, et on peut espérer qu’il y aura encore dans les exercices futurs quelque place pour les dégrèvemens. Non-seulement les compagnies consentent à affecter aux constructions nouvelles la plus grande partie, peut-être la totalité, peut-être même plus que la totalité de leurs plus-values, car dans des engagemens aussi vastes on ne peut dire si l’on aura estimé avec rigueur les ressources de l’avenir, mais elles font plus encore, elles admettent des réductions de tarif de 5 à 10 pour 100 sur la grande vitesse, éventuellement même de 25 à 30 pour 100; elles adoptent le tarif général commun qu’elles avaient jusqu’ici repoussé. M. Varroy évalue à une centaine de millions par an le sacrifice total auquel consentent ainsi les compagnies, et que leur donne-t-on comme compensation? Simplement la garantie qu’on ne les rachètera pas pendant la prochaine période de quinze années. Si ce traité est léonin, nous n’hésitons pas à dire que c’est en faveur de l’état; si la chambre commet la faute de repousser les conventions conclues avec les compagnies, elle aura peut-être rendu un grand service aux actionnaires de ces sociétés; au lendemain du rejet des conventions, il nous paraîtrait naturel que les actions des compagnies haussassent.

Une foule de députés semblent ne vouloir pas admettre la renonciation pendant quinze ans à la faculté de rachat. Ils font à ce sujet les observations les plus enfantines. On est étonné de voir des hommes graves faire des objections aussi frivoles. Le rachat est un droit de l’état; il n’y faut jamais renoncer; mais est-ce que les particuliers les plus judicieux n’ont pas une foule de droits qu’ils aliènent