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Il en est ainsi notamment en Angleterre, et les terminable annuities, qui ont une grande analogie avec notre amortissable, sont les valeurs favorites de toutes les institutions de cette nature. Ainsi, de ce côté, rien n’est à craindre. Les rentes qui lui auront été remises, la caisse des dépôts ne les lâchera pas; la formule « Pas d’emprunt » n’est donc pas enfreinte; la nouvelle combinaison n’inflige en outre à l’état aucune surcharge d’intérêts.


III.

La dette flottante une fois réglée, on doit s’occuper de l’avenir et veiller à ce qu’elle ne se reconstitue pas. D’après des engagemens pris, peut-être témérairement, on doit consacrer chaque année de 6 à 700 millions en travaux extraordinaires. On a vu comment le programme de M. de Freycinet, qui ne comprenait d’abord que 4 milliards de travaux, chiffre raisonnable, s’est enflé à près de 7 milliards, somme énorme, une fois et demie le montant de notre indemnité de guerre. Si l’on y joint les dépenses extraordinaires que l’on réclame encore pour les ministères de la guerre et de la marine, on voit combien sont colossales les ressources qu’il faudra créer. Dans une situation financière aussi tendue que celle que nous venons d’analyser, en présence de l’impossibilité d’opérer les nouveaux dégrèvemens d’impôts que le pays réclame, devant un marché financier enfin qui commence à se montrer réfractaire aux emprunts publics continus, par quels procédés peut-on doter les budgets extraordinaires futurs sans troubler toute notre économie nationale? Il y a deux moyens entre lesquels on peut choisir, mais il n’y en a que deux : ou restreindre dans des proportions considérables, étendre sur un beaucoup plus grand nombre d’exercices l’exécution du programme de M. de Freycinet ; ou recourir pour une grande partie des travaux publics à l’ancien système, si étourdiment abandonné, à savoir le recours à l’initiative privée et aux grandes compagnies de chemins de fer. L’opinion publique, qui n’est pas aujourd’hui complètement éclairée sur la réalité de notre situation financière, serait peut-être médiocrement favorable au premier moyen, quoique, à coup sûr, il fût le plus sage ; on comprend que le chef du cabinet actuel y répugne. Reste donc le second moyen qui est le seul; si on ne l’adopte pas, à bref délai, on se trouvera en face de déficits, dans la nécessité d’établir des impôts nouveaux et en présence d’une baisse inévitable, notable, des fonds publics.

M. Allain-Targé proposait des crédits de 621 millions pour le budget extraordinaire de 1883. Par quels moyens se fût-il procuré ces 62 millions, c’est ce qui reste dans l’ombre. M. Léon Say fait subir à ce chiffre une série de transformations qui le réduisent des