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1,200 millions de rentes amortissables nouvelles; on les dit immobilisées, mais qui garantit qu’un jour ou l’autre elles ne viendront pas sur le marché? Puis, immobiliser en rentes les fonds des caisses d’épargne, est-ce raisonnable? Le déposant ne peut-il pas les réclamer à chaque instant, et ne doivent-ils pas être toujours tenus à sa disposition? D’autres personnes s’émerveillent de ce que le ministre pense trouver des ressources nouvelles en prenant possession des cautionnemens, des avances obligatoires, des fonds des caisses d’épargne, c’est-à-dire de ressources que le trésor a depuis longtemps à sa disposition et qu’il a dû déjà employer. Dans toutes ces appréciations il y a des erreurs de différente nature. En premier lieu, il ne s’agit pas pour le ministre de se créer des ressources nouvelles; ce n’est pas avec l’opération dont nous parlons en ce moment qu’il compte doter les dépenses futures; il entend simplement régulariser la situation actuelle en ce qui concerne les dépenses exécutées ou déjà engagées. En second lieu, il n’y a pas dans toute cette combinaison d’innovation relativement aux caisses d’épargne; on revient simplement à l’état de choses ancien et légal. Les fonds des cautionnemens, les avances obligatoires faites au trésor et le compte courant de la caisse des dépôts et consignations, qui est un intermédiaire responsable entre les caisses d’épargne et le trésor, ont été employés en travaux publics par l’état; l’état est dès à présent débiteur; et il l’est dans de telles conditions que, s’il survenait une crise, il ne pourrait pas faire face à ces engagemens flottans. Croyez-vous que s’il éclatait une guerre ou des troubles intérieurs, l’état pourrait rembourser aux caisses d’épargne immédiatement les centaines de millions qu’il leur doit, ou plutôt qu’il doit à la caisse des dépôts et consignations, leur représentant? Comment y arriverait-il puisque sa dette flottante, dans le système que l’on suit, s’élèverait bientôt à 3 milliards 300 millions, et que ce n’est pas en temps de crise, de guerre ou de bouleversement intérieur, que l’état pourrait émettre un emprunt pour se procurer ou la totalité ou une notable partie de cette somme? La combinaison qui substituerait à ces engagemens flottans des rentes amortissables immobilisées n’empirerait donc nullement la situation des caisses d’épargne et ne la rendrait pas plus fragile. Bien plus, elle la consoliderait. Les titres de rente amortissable sont, en effet, des titres précis qui, tout immobilisés qu’ils soient, peuvent en temps de crise être l’objet d’avances de la part des établissemens de crédit : avec ces avances, s’il en était besoin, les caisses d’épargne feraient face, en cas de panique, aux demandes de remboursement. Ces demandes, d’ailleurs, ne risqueraient pas d’être très nombreuses, tant par suite de l’expérience acquise dans la période si bouleversée de 1870 et de 1871,