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voilà donc du chef des trois articles que nous venons d’indiquer, 1 milliard 179 millions à ajouter aux 700 millions qui forment, en quelque sorte, le fond et la base fixe de notre dette flottante. Elle est ainsi portée à 1 milliard 880 millions en chiffres ronds, et nous ne sommes pas au bout. Le lecteur doit déjà voir combien le public se faisait d’illusions sur l’état de notre trésorerie; il croyait que le récent emprunt d’un milliard pourvoyait aux dépenses extraordinaires courantes, tandis que, pour y faire face, ce n’est pas 1 milliard, c’est 2 milliards 200 millions qu’il eût fallu emprunter. Oui, onze ans après la paix, par suite de la prodigalité en quelque sorte systématique à laquelle a cédé le parlement, par suite aussi de l’abandon des anciens procédés pour l’exécution de grands travaux publics, on allait se trouver acculé à la nécessité d’émettre de nouveaux emprunts égaux aux emprunts colossaux qui ont eu pour objet en 1871 et en 1872 de pourvoir à l’indemnité de guerre. Nous venons d’écrire qu’au lieu d’emprunter 1 milliard, c’était 2 milliards 200 millions qu’il eût fallu demander au public pour se procurer les ressources destinées aux travaux des derniers exercices et de l’exercice courant ; mais en y joignant les travaux projetés pour 1883, soit dans le projet de l’honorable M. Allain-Targé 621 millions, on serait arrivé en tout à un emprunt de 3 milliards environ, au lieu de l’emprunt de 1 milliard qui a tant de mal à se classer.

N’ayant pas pu ou n’ayant pas voulu recourir à un emprunt public pour une somme aussi colossale, on a donc grossi de 1 milliard 180 millions en chiffres ronds la dette flottante, dont le fond est de 700 millions, et on l’a porté à 1 milliard 880 millions; les 621 millions du budget des ressources extraordinaires pour 1883, tel qu’il a été arrêté par le précédent ministre des finances, si l’on recourt aux mêmes expédiens que dans les derniers temps, porteraient ce chiffre à plus de 2 milliards 500 millions. Enfin, on a doté de 500 millions de francs la caisse des chemins vicinaux et de 392 millions celle des écoles, et comme ces ressources, en l’absence de tout emprunt public, sont encore à prélever sur les fonds de la dette flottante, il en résulte que celle-ci, en fin de compte, monterait à 3 milliards 2 ou 300 millions. Pour un pays qui n’est ni la Turquie, ni l’Egypte, ni le Pérou, ni l’Espagne d’il y a quelques années, ni la France de l’ancien régime, il est impossible de s’accoutumer à cette idée d’une dette flottante de 3 milliards 2 ou 300 millions de francs. Ce serait un danger permanent; c’est ensuite une cause d’obscurité dans nos finances, d’aveuglement pour le parlement. Si la plus grande partie du public et presque tous les membres des chambres ne se rendent pas compte