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lorsqu’on fixe son attention sur cet excédent, il s’évanouit en entier. Il faut se rappeler, en effet, que, par un de ces procédés de comptabilité qu’il est difficile de considérer comme corrects, on a fait figurer parmi les ressources du budget de 1881 une somme de 80 millions de francs, prélevée sur les excédens des exercices antérieurs et ayant pour destination de parer aux dégrèvemens sur les cidres et sur les vins. Or cette somme de 80 millions de francs, on ne peut le nier, n’est pas un produit propre à l’année 1881 : on devrait donc, en bonne tenue des comptes, la déduire; alors l’excédent provisoire de (58 millions se transforme en un déficit de 12 millions. Il y a loin de là à la très large aisance dont jouissaient plusieurs des budgets antérieurs. Il n’est que trop réel que les plus-values de recettes, si abondantes qu’elles soient, commencent à suivre d’un pas inégal les incessans accroissemens de dépenses.

Aussi n’est-il plus question à l’heure actuelle de dégrèvemens. Douze ans après la guerre, on semble s’être contenté d’avoir retranché 300 et quelques millions sur la somme de plus de 800 millions d’impôts nouveaux dont le pays a été chargé. En 1879, en 1880 surtout, on a fait d’assez notables réductions d’impôts; en 1881, on n’a plus accordé au pays le même bienfait, car nous ne pouvons considérer comme des réductions sérieuses les 7 millions de francs qui représentent quelques remaniemens de détail à la législation des patentes et l’abaissement des droits sur les colis postaux; en 1882, rien encore; on ne propose enfin rien pour 1883. Ainsi, en pleine paix, malgré des plus-values considérables, trois années s’écouleront sans qu’à un pays aussi chargé que la France on accorde un dégrèvement quelconque. Sera-t-on plus heureux en 1884? Si l’on persévère dans la voie où l’on est entré depuis quelques années, il est bien probable que non.

Cependant, combien la France aurait besoin, pour le développement de son industrie et de son commerce, pour le soulagement des contribuables, qu’on ramenât les taxes au niveau où elles étaient avant la guerre ! Les départemens et les communes ont pour la plupart pris modèle sur l’état; eux aussi ont accumulé les dépenses, et voici où l’on est arrivé par ce système d’universel entraînement. D’après des tableaux communiqués par l’administration française des finances à l’ambassadeur d’Angleterre, qui avait reçu de son gouvernement la mission de recueillir des renseignemens précis sur les impôts dans notre pays, l’ensemble des recettes ordinaires de l’état, des départemens et des communes en France, s’élevait à 3 milliards 495 millions de francs, dont 2 milliards 682 millions pour l’état; 154 millions pour les départemens et 658 millions pour