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A partir de 1875, on a rompu avec ces anciennes méthodes au moment même où le développement du trafic sur les anciens réseaux allait démontrer avec quelle justesse, quelle prévoyance elles avaient été combinées. On a avec hauteur repoussé le concours des entreprises privées ; on s’est résolu à faire exécuter tous les nouveaux travaux par l’état et avec les seules ressources de l’état. L’entreprise aujourd’hui est à peine ébauchée ; nous avons à peine franchit le seuil du plan sans cesse agrandi de M. de Freycinet et déjà les embarras commencent. Ils sont de trois sortes : au point de vue de la comptabilité financière et de l’engagement des dépenses, nos budgets extraordinaires sont singulièrement compliqués et presque inextricables ; au point de vue des moyens de trésorerie, on se trouve pris à court, obligé de recourir à des expédiens regrettables ou contraint d’émettre sur la place de Paris d’immenses et écrasans emprunts publics auxquels répugnent nos habitudes françaises ; au point de vue enfin des charges annuelles, on est en présence de dépenses tellement croissantes qu’il faut renoncer aux dégrèvemens, que peut-être l’équilibre du budget va être compromis, et qu’il n’est pas invraisemblable qu’en continuant dans cette voie on soit bientôt forcé d’établir des impôts nouveaux.

Un coup d’œil jeté sur les deux derniers budgets extraordinaires, celui de 1880 et celui de 1881, va démontrer au moins clairvoyant et au moins expérimenté combien les règles d’une bonne comptabilité sont enfreintes par la répudiation des anciens procèdes pour l’exécution des grands travaux publics. Tels qu’il ressortait des lois des 21 décembre 1870 et 23 mars 1880, le budget extraordinaire de l’exercice 1880 devait s’élever à 615 millions de francs; c’était un assez beau chiffre. Diverses lois successives votées postérieurement y ajoutent d’abord 31 millions ½, puis près de 21 millions, puis 1,500,000 francs, et enfin 153 millions ; et voilà ce budget extraordinaire qui s’enfle au chiffre colossal de 822 millions de francs. Il est vrai qu’en même temps que des additions, on faisait des déductions ; une partie de ces dépenses du budget extraordinaire de 1881, si bien que le budget extraordinaire de 1880 reste fixé à 582 millions une assez jolie somme. Mais comprend-on toutes ces vicissitudes du budget, tous ces écarts de chiffres, toutes ces annexions, toutes ces déductions ? Est-ce là l’application des règles simples qu’ont toujours observées les bons financiers ? Des cadres aussi mobiles et aussi variables ne rendent-ils pas tout à fait inintelligible la matière des finances, qui devrait être si nette et si lucide ? Le budget extraordinaire de 1881 ne passe pas par de moindres vicissitudes : par cinq lois s’échelonnant entre le 22 décembre 1880