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19 juillet 1881, on n’évalue pas à moins de 6 milliards les travaux compris dans l’ensemble de ce projet, qui grandit toujours. Le temps faisant son œuvre, on arrivera à 7 milliards, si ce n’est à 8.

Pendant que se développait la perspective des dépenses extraordinaires, on s’appliquait de propos délibéré à restreindre les ressources avec lesquelles depuis vingt ans on y pourvoyait. Chacun a entendu parler des conventions passées en 1865 avec les grandes compagnies de chemins de fer. Par un système des plus ingénieux, dont le temps a démontré la fécondité, on avait chargé ces puissantes sociétés, maîtresses des lignes mères et productives, de construire elles-mêmes, sous le régime de la garantie d’intérêts, la plupart des lignes secondaires et tertiaires. Cette combinaison si peu comprise, si mal jugée de la garantie d’intérêts, au sujet de laquelle il existe encore dans notre parlement des préventions, avait deux conséquences : au point de vue des moyens de trésorerie, il se construisait bon an mal an 800 ou 1,000 kilomètres de chemins de fer en France sans que l’état eût besoin d’émettre des emprunts publics les compagnies, dans chacune des gares de leur réseau, plaçaient aisément des obligations sans que le crédit public éprouvât jamais cette secousse qui résulte d’un emprunt d’état. Au point de vue des charges de nos budgets, les lignes de chemins de fer nouvellement construites n’ajoutaient que fort peu de chose aux dépenses annuelles. L’excédent du revenu des grands et anciens réseaux au-delà d’un chiffre arrêté d’avance était reporté sur les réseaux nouveaux et diminuait singulièrement l’insuffisance du revenu de ces derniers. Ainsi, malgré les 800 ou 1,000 kilomètres ouverts chaque année à l’exploitation, la charge de l’état restait à peu près fixe, oscillant autour de 40 millions de francs par année. Ces 40 millions versés par l’état aux compagnies n’étaient d’ailleurs qu’une avance qui portait intérêts à son profit et qui devait être remboursée au fur et à mesure quelle développement des recettes nettes excéderait les charges de l’ancien et du nouveau réseau et dépasserait en même temps le revenu réservé. Les dernières années se sont chargées de prouver que cette perspective de remboursement par les compagnies des sommes que leur avançait le trésor n’était pas une illusion. Ce régime avait donc trois avantages : pas d’emprunt d’état venant périodiquement donner une secousse au crédit public et au marché des capitaux; charges modiques pour le trésor et infiniment moindres que l’intérêt correspondant au capital dépensé pour les nouvelles lignes; probabilité, nous devrions dire certitude absolue, du remboursement complet par les compagnies des sommes que l’état leur avait avancées, constitution au profit de l’état d’une importante réserve qu’il pourrait un jour utiliser.