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aucune découverte de sa méthode si vantée. La fameuse publication du Dictionnaire de Nysten aurait pu être aussi bien signée d’un disciple de Cabanis que d’un disciple de M. Auguste Comte, sauf, bien entendu, la différence des temps et le progrès des connaissances. C’est de la science positive, contraire à toutes les influences mystiques ou aux considérations spiritualistes de quelque nature qu’elles soient, ce n’est pas nécessairement du positivisme; il n’y a pas de découverte scientifique qui se rattache directement à l’impulsion d’Auguste Comte ni à sa doctrine. Je ne veux pas dire qu’il n’y ait pas de positivistes qui aient inventé dans l’ordre des sciences physiologiques et médicales; mais n’auraient-ils pas fait les mêmes découvertes en dehors de l’école ?

Entre temps, M. Littré était devenu, depuis 1831, rédacteur au National, spécialement chargé de la traduction des journaux étrangers. Il resta trois ans dans ces fonctions obscures lorsqu’à la fin de 1834, il eut l’occasion de faire quelques-uns de ces articles qu’on appelle, en langage de journaliste, des variétés. Quand le dernier parut au commencement de l’année 1835, Armand Carrel, qui était alors à Sainte-Pélagie, fut frappé pour la première fois du talent qui s’y révélait, et il écrivit à la mère de M. Littré une lettre que celui-ci garda pi s de quarante ans en portefeuille et qu’il ne voulut pas publier aussi longtemps que sa carrière n’était pas terminée[1]. « C’est à vous, madame, disait-il, que je veux faire compliment de l’admirable morceau qu’Emile nous a donné ce matin dans le National. Je sais que je ne peux lui faire de plus grand plaisir que de vous en faire à vous-même, et les éloges que sa modestie ne recevrait pas de moi, il m’en saura peut-être un peu plus de gré s’il sait qu’en passant par vous ils ont pu vous donner un moment de jouissance maternelle. Dites-lui, madame, qu’il est notre maître à tous, que je ne sais à Paris personne capable d’écrire son article sur Herschel, et que je rougis de m’être donné pendant trois ans comme rédacteur en chef d’un journal dans lequel il se contentait d’une tâche si au-dessous de son savoir et d’un talent pour le moins égal à ce savoir... Je ne mesure la hauteur à laquelle est parvenu notre bon et modeste Littré, par un travail solitaire, inaperçu, infatigable, qu’en m’avouant ma propre ignorance sur tant de matières qu’il traite, en se jouant, avec une supériorité si grande. » Voilà une lettre bien digne du noble esprit qui l’écrivait et de celui qu’elle honorait en le désignant pour un avenir certain.

C’est à cette époque (1835) que M. Littré se maria. Il avait, avant de s’y décider, traversé une période douloureuse d’indécision ;

  1. Conservation, Révolution, Positivisme, Remarques, 2e édition, p. 201.