Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/485

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’escompte, dont la Banque de France a pris l’initiative, n’a donc pas arrêté le mouvement des espèces or vers les guichets de la Banque. Ce bilan, comme celui de la Banque d’Angleterre, indique un ralentissement sensible et continu des besoins de crédit. Le taux officiel de l’escompte ramené à 4 pour 100, telle a été la conséquence. immédiate de ce phénomène. Ce taux n’étant plus même atteint sur le marché libre, il faut reconnaître que le prix de l’argent s’est beaucoup plus vite abaissé que ne pouvait le faire espérer l’intensité de la crise.

La réaction qui a suivi le mouvement de hausse justifié et provoqué par les circonstances financières du moment est donc due principalement à la politique prudente imposée à la spéculation par l’accord de la haute banque et des institutions de crédit. Des réalisations de titres, avons-nous dit, ont rappelé au marché, disposé à pécher, par excès d’optimisme, qu’il n’avait pas encore recouvré réellement ses forces, et que pendant longtemps encore, il devrait se soumettre à un régime de convalescent. Des rumeurs fâcheuses venues de Vienne et de Berlin, attestant une assez vive émotion des marchés allemands et provoquant une baisse importante sur les fonds russes, ont encore contribué à enrayer les cours sur notre place. Enfin une autre cause de faiblesse doit encore être cherchée dans l’opposition que le programme financier du cabinet Freycinet-Léon Say vient de rencontrer à la chambre.

Le projet de budget pour 1883, présenté par le ministère précédent, s’élevait en dépenses à 2,972,314,000 francs pour le budget ordinaire, et à 621,607,080 francs pour le budget extraordinaire, soit ensemble à 3,594,012,000 francs.

Dans le projet soumis au parlement par le ministre actuel des finances, le montant des dépenses ordinaires s’élève à 3,027,830,000 fr., et celui des dépenses extraordinaires à 257,746,000 fr., soit ensemble à 3,283,576,000 francs. M. Léon Say a très nettement caractérisé ses combinaisons financières en disant, dans son exposé de motifs, que le budget « ne prévoit aucune dépense qui puisse entraîner la négociation d’un emprunt sur le marché des capitaux, ni au cours de l’année 1882, ni au cours de l’année 1883. » Il ne sera pas négocié en effet de nouvelles rentes, mais il en sera créé pour un milliard deux cents millions. Ces rentes ne viendront pas à la Bourse ; elles iront remplacer à la Caisse des dépôts et consignations les fonds des caisses d’épargne ainsi que les fonds des cautionnemens et de certaines avances obligatoires. D’autre part, l’état devra renoncer pendant quinze ans à racheter les chemins de fer ; renonciation dont la contre-partie se trouve dans des concessions que feront les compagnies en ce qui concerne les tarifs, et dans le remboursement anticipé des sommes dont celles-ci