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le droit souverain des électeurs, conflit entre les deux chambres, tout se réunit dans ces incidens d’hier et d’aujourd’hui, Si l’on était en France, on parlerait aussitôt d’en finir avec toutes les résistances. On menacerait le sénat, et à la vérité il s’est trouvé un collègue de M. Bradlaugh, un député libéral ou radical, M. Labouchère, qui, se croyant pour un instant sans doute dans notre pays, a proposé récemment de supprimer la chambre des lords comme « superflue, obstructive, et dangereuse ; » mais ici on est en Angleterre, où les choses ne marchent pas si vite. La proposition de M. Labouchère a été faite pour la première fois au Long-Parlement, comme on le rappelait gravement l’autre jour ; elle a été depuis cette époque souvent reproduite avec un médiocre succès ; et il y a des chances pour qu’elle ait longtemps encore la même fortune, pour que le conflit d’aujourd’hui finisse comme tant d’autres par quelque transaction nouvelle, à laquelle ne refuseront de se prêter ni les lords, ni les ministres, ni les vrais libéraux des communes. De son côté, M. Bradlaugh n’est pas le premier qui ait été arrêté au seuil des assemblées par cette question du serment. Les catholiques ont longtemps attendu avant de conquérir le droit d’entrer au parlement, M. de Rothschild a été bien des fois élu par la cité avant que les juifs aient été définitivement admis dans la chambre des communes où ils sont aujourd’hui. Cela veut dire qu’avec l’esprit pratique des Anglais, il y a toujours de la ressource, et parce que l’Angleterre prend son temps avant de toucher à ses institutions traditionnelles, parce qu’elle ne se hâte pas de tout réformer à la première sommation, parce qu’elle ne se laisse pas aller à toutes les extrémités à la moindre résistance ou à la moindre difficulté, en est-elle moins libre et moins, grande dans le monde ?

Le rêve que bien des esprits ont depuis longtemps formé pour l’Orient et qui consisterait à substituer par degrés à la vieille domination ottomane des nationalités constituées, des principautés indépendantes, des souverainetés assez vivaces pour se défendre elles-mêmes, ce rêve tend peut-être de plus en plus à devenir une réalité, Ces principautés qu’on a aidées à naître, dont on a consacré l’existence par des traités, grandissent assez vite et sont déjà les élémens visibles d’un nouveau système oriental. Qu’on se rappelle ce qui existait il n’y a pas plus d’un quart de siècle : la Valachie et la Moldavie étaient deux provinces distinctes livrées à des hospodars, toujours disputées entre la Turquie et la Russie. Elles ont commencé par s’unir, par s’organiser sous un même prince ; elles se sont créé une existence nationale, politique, militaire, et à la faveur de la dernière guerre, peu après le traité de Berlin, elles ont aspiré à prendre une nouvelle forme, elles se sont érigées en royaume sous le prince Charles de Hohenzollern. Lorsque la royauté a été proclamée en Roumanie, on pouvait aisément prévoir que l’exemple