proposition de M. Ballue ; il faut toucher à tout, à l’armée comme aux chemins de fer, et la commission qui sera nommée fera ce qu’elle pourra.
Évidemment de toutes ces propositions de fantaisie qui fleurissent plus que jamais depuis quelques jours au Palais-Bourbon et qui ont eu le facile avantage d’une prise en considération, la plus sérieuse, la plus dangereuse aussi est celle qui touche aux rapports des églises et de l’état, ou pour mieux dire à l’existence du concordat. L’auteur de cette proposition, un député de la Bourgogne, M. Charles Boysset, n’y va pas de main légère : il sait trancher les questions ! Il a proposé tout bonnement un projet en deux articles aussi brefs que significatifs : Article 1er. Le concordat est abrogé. Article 2. L’abrogation produira tous ses effets à partir du 1er janvier 1883. — C’est, comme on voit, net et prompt. L’abrogation du concordat produira tous ses effets, c’est-à-dire tous les rapports publics cesseront avec le saint-siège, le budget des cultes disparaîtra ; tous les édifices religieux, cathédrales, églises, ainsi que les maisons épiscopales et les presbytères, cesseront d’être à la disposition du culte catholique et de ses ministres ; quarante-cinq mille prêtres resteront sans logement et sans traitement. Voilà qui à la rigueur dispenserait M. Paul Bert de se préoccuper du nombre d’ares que doit avoir le jardin de chaque curé. Le jardin est supprimé avec le reste, M. Charles Boysset simplifie tout. Malheureusement ce n’est pas aussi simple qu’on le dirait et, sans toucher au fond même de la question, il y a un certain nombre de difficultés préliminaires que M. l’évêque d’Angers a supérieurement précisées et mises en lumière. Mgr Freppel a parlé, non en évêque, mais en législateur, en politique, et il a démontré avec autant de netteté que de force tout ce qu’il y avait d’extraordinaire dans le seul fait de la prise en considération d’un projet conçu, formulé en dehors de toutes les règles du droit.
Qu’est-ce à dire, en effet ? Est-ce que le concordat, qui est depuis quatre-vingts ans la charte de l’état et de l’église, qui est resté jusqu’ici la garantie de la paix religieuse, est une loi ordinaire qu’un parlement ait le droit d’abroger de son autorité propre, selon les circonstances, selon son jugement ou sa volonté ? Nullement ; c’est un traité négocié comme tous les traités, signé entre deux puissances, revêtu de tous les caractères diplomatiques, ratifié par les gouvernemens. On peut le modifier par des négociations ou le dénoncer si on le veut ; on ne peut pas l’abroger sommairement parce que tel serait le bon plaisir de la chambre d’aujourd’hui, — et lorsque M. Ch. Boysset a prétendu, à l’appui de sa motion d’abrogation, que la république de 1881 n’est pas l’héritière de Napoléon Bonaparte, qu’elle n’est pas liée par un contrat signé au nom du premier consul, il a émis une opinion singulièrement hasardeuse. Avec cette doctrine, on peut aller loin ; c’est la solidarité des gouvernemens successifs dans les relations internationales qui