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pendant bien des années encore on explorera sans parvenir à l’épuiser, — mais une province, on se demande avec un peu d’inquiétude ce que deviendrait l’histoire de l’art moderne entre les mains de M. Olivier Rayet. M. Olivier Rayet est déjà répétiteur d’archéologie grecque à l’École des hautes études, et suppléant d’épigraphie grecque au Collège de France. J’avoue que je ne vois pas quand il saurait encore plus de grec, quel titre lui donnerait tout ce grec à parler convenablement de Velasquez ou de Rembrandt. Voudrait-on peut-être nous transformer encore la chaire du Collège de France en une chaire d’archéologie grecque ? Il faudrait que l’on eût juré de nous dégoûter du grec. Remarquez bien, car c’est toujours là qu’il en faut revenir, que l’histoire de l’art grec, ou pour mieux dire de l’art ancien, est déjà très largement représentée dans le haut enseignement. Chaire d’archéologie grecque à l’École des beaux-arts ! chaire d’archéologie grecque à l’École des hautes études ! chaire d’archéologie grecque à la Bibliothèque nationale : chaire d’archéologie grecque au Collège de France ! et chaire d’archéologie grecque à la Sorbonne ! Faut-il ajouter, au Collège de France, toujours, les chaires d’archéologie égyptienne et d’archéologie assyrienne, si faciles à transformer en chaires d’histoire de l’art égyptien ou de l’histoire de l’art assyrien ? Et pourquoi ne rappellerais-je pas comme il est aisé, au titulaire même de la chaire de philosophie grecque et latine, quand et comme il lui plaît, sous prétexte d’expliquer Platon, par exemple ou de commenter Plotin, d’exposer en réalité, lui sixième ou septième à Paris, l’histoire de la sculpture grecque ? Non ; ce qu’il faut au Collège de France, ce n’est pas une chaire d’histoire de l’art grec, ou gréco-romain, ou byzantin, c’est une chaire d’histoire de l’art, et si le titulaire ne peut pas vraiment remplir tout ce qu’un pareil enseignement comporterait de connaissances diverses, il n’y a pas lieu d’hésiter, c’est incontestablement une chaire d’histoire de l’art moderne dont nous avons besoin.

Admettons maintenant que quiconque saura parler convenablement de Phidias ou d’Alcamène puisse parler avec la même autorité de Michel-Ange ou de Donatello, Voire d’Houdon ou de Pajou, de quoi je ne suis, pour mon humble part, nullement assuré. Mais je voudrais bien savoir en quoi l’étude approfondie du Corpus Inscriptionum Græarum peut préparer un homme à nous enseigner ce qu’il faudrait nous faire connaître de Corrège ou de Titien. On nous parle sans cesse, et l’on n’a pas tort, de la nécessité de la spécialisation, dans le temps où nous sommes, c’est-à-dire dans l’état présent de toute sorte d’études, où la masse des documens accumulés est si lourde à soulever qu’un seul homme ne peut posséder à fond, et comme il convient pour l’enseigner, qu’une chose, et une seule chose. On ajoute, un peu dédaigneusement et menue fort injustement, que si la Sorbonne est le lieu désigné des