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installations de détail bien entendues, grands bureaux en bois, ascenseurs, crachoirs partout et. au pied d’un grand escalier, un crachoir central, sorte de piscine remplie de sable. Tout cela, en beaux matériaux de pierre ou de bois, proprement tenu, largement éclairé, avec un certain air cossu. On sent qu’on a voulu bien faire sans regarder à la dépense, et on a très bien fait. Beaucoup de femmes sont employées dans ces ministères, non point comme simples auxiliaires, mais ayant rang officiel, sans pouvoir cependant s’élever au-dessus d’un certain grade qui me paraît correspondre à peu près à celui de sous-chef de bureau chez nous, 4,000 ou 5,000 francs de traitement. Si l’on emploie des femmes dans les ministères aux États-Unis, ce n’est ni affaire de préférence ni théorie. Dans un pays où l’activité humaine trouve tant de débouchés, où il y a tant de moyens de faire fortune, on se procurerait difficilement assez d’hommes pour remplir ces emplois peu lucratifs. Nos yeux français sont un peu étonnés de voir ces femmes travaillant dans la même salle, au même bureau que les hommes. Je demande à un employé supérieur comment il se trouve d’avoir à commander ce personnel : « Pas trop mal, me dit-il ; en s’y prenant bien, elles sont plus faciles à gouverner que des hommes. »

Une institution d’une toute autre nature, mais curieuse également à visiter, est ce qu’on appelle the Smithsonian Institute, fondée par un Anglais « pour l’accroissement et la diffusion de la science parmi les hommes. » Mais par la force des choses, c’est la science américaine qui y tient le plus de place. On y trouve, entre autres, une exposition de la flore et de la faune américaines anciennes et modernes. On nous présente à un jeune boa de dix mois qui donnait de grandes espérances, mais dont la santé inspire depuis quelque temps de vives inquiétudes. Il paraît se mourir de nostalgie ou peut-être d’inanition, les jeunes lapins qu’on lui donne à dévorer tout vivans ne suffisant pas à son appétit. La portion vraiment curieuse de cet institut et qui serait à visiter en détail, si nous avions le temps, c’est la collection de tout ce qui a trait à l’histoire de l’Amérique dans les temps reculés. Géologues, philologues, antiquaires ont l’esprit fort en travail sur cette question : Quelle est l’origine des Américains primitifs et quelle était leur civilisation » ? Les brochures succèdent aux brochures, les livres aux livres, mais la question ne s’éclaircit guère. Le savant directeur du musée que j’interroge à ce sujet m’avoue avec tristesse que plus on cherche moins on trouve, et que plus les études sont approfondies, moins les résultats sont certains. Je comprends que ces études passionnent les savans américains, car moi, étranger et profane, je ne sache rien qui mette davantage l’imagination en éveil que cette histoire primitive et divinatoire du vieux monde. Mais pour les Américains, il s’y