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moment du licenciement de ces armées une loi a nommés tous généraux en bloc, comme fiche de consolation. Ces quatre catégories additionnées donnent un total considérable. Notre aimable guide appartient, je crois, à la quatrième. Depuis lors, il a changé le sabre pour la plume et, de général devenu journaliste, il nous mène tout d’abord aux bureaux de son journal, celui-là même où a paru le matin cet article si bienveillant pour nous. Pour nous faire mesurer les progrès de la presse en Amérique, il nous montre un spécimen réimprimé pour la circonstance de ce qu’était il y a un peu plus de cent ans, the Baltimore American. C’est une modeste petite feuille de quatre pages, paraissant tous les huit jours, qui, en plus des nouvelles de la colonie, ne contient guère que des annonces, entre autres un avis daté de Mount-Vernon et signé de George Washington, offrant à louer des terres qui lui appartenaient, et la demande d’un messager pour faire une fois par semaine le transport du journal de Baltimore à Philadelphie. Cette demande a même donné lieu à une confusion assez plaisante, lorsque ce spécimen a été distribué dans les rues, un brave homme étant venu se proposer le soir même au journal pour remplir l’office en question. Aujourd’hui, le Baltimore American est un grand journal quotidien qui publie huit pages tous les jours. La moindre feuille de second ou de troisième ordre en Amérique contient, en effet, plus de matière que nos plus grands journaux et, je ne puis m’empêcher de le dire à ce propos, est plus sérieusement rédigée. La presse américaine, absolument supérieure sur ce point à la presse française, est exclusivement politique. Sans doute le ton de ses polémiques est acerbe et injurieux, et elle ne se fait point faute d’attaquer grossièrement les personnes. Mais elle ne s’occupe point de celles, hommes ou femmes, femmes surtout, qui n’invitent point le public à s’occuper de leurs affaires. Elle ne publie point de feuilletons. En un mot, ce genre des feuilles, demi-politiques et demi-mondaines, si à la mode dans notre pays, y est totalement inconnu. Comme la presse américaine rend compte de tout, elle ne passe sans doute point sous silence les faits scandaleux et les procès scabreux. Mais on les trouve à leur place dans le journal, à la colonne des faits divers ou des nouvelles judiciaires, où il faut les aller chercher, et non point s’étalant avec force commentaires à la première page du journal. Sans doute aussi, on peut citer quelques assez vilains journaux qui se publient aux États-Unis. Il existe entre autres, à New-York, une petite feuille, appelée the Police News, qui rapporte avec illustrations les faits de la chronique scandaleuse, mais on ne trouve point cette feuille sur la table des femmes du monde ; la vente en est même interdite dans beaucoup d’endroits publics, et, pour la lire, il faut la volonté de se la procurer. En un mot, la presse, en Amérique, est, au point de vue moral,