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d’armement et de départ des instrumens quels qu’ils soient de la guerre maritime, qui sera à la fois une guerre d’escadre, une guerre de course, une guerre de défense des côtes. Par cela même la création à Rochefort d’un véritable port de guerre, c’est-à-dire d’un port inaccessible à l’ennemi, toujours ouvert à nos navires et à nos escadres, apparaît comme nécessaire elle-même. Des considérations d’un autre ordre, mais non moins sérieuses, vont apporter d’autres preuves à l’appui de cette nécessité.

Toute escadre surprise au mouillage est, nous l’avons dit, une escadre détruite ; a fortiori, toute escadre, tout navire isolé surpris en mer, dont la puissance motrice, la vitesse seraient sérieusement amoindries, serait une escadre, un navire perdus. Or, après une de ces batailles navales que l’on suppose nécessaires, où la victoire aura été chaudement disputée, tous les survivans, vainqueurs ou vaincus, sortiront de la lutte avec de profondes blessures ; la plupart d’entre eux ne seront que des épaves flottantes que leurs compagnons d’armes moins maltraités convoieront vers un rivage ami. Au prix de quels efforts, à travers quelles difficultés, on le devine. Qu’ils se hâtent cependant. Ce n’est pas la tempête seule qui pourrait achever l’œuvre de destruction si bien commencée. Quelque croiseur rapide n’a-t-il pas porté la nouvelle de la bataille au port le plus voisin et ne revient-il pas guidant de nouveaux adversaires, ardens à achever la défaite, plus ardens encore à la changer en victoire ? Une journée, une heure ont une importance suprême. Un lambeau de voile, gonflé par un vent favorable, des courans dirigés vers le port de refuge peuvent décider du salut ou de la perte de ces formidables machines de guerre qui coûtent 20 millions de francs et trois années de travail. Or, sur ce vaste champ de bataille si souvent ensanglanté, que comprennent les côtes d’Espagne et de France, entre le cap Finistère et le cap Lizard, quel que soit le point où se sera livré le nouveau combat, vents généraux, courans constans portent tous vers le golfe de Gascogne. C’est une vérité de fait, dont on peut se rendre compte, pour les courans, en compulsant le plus simple atlas, la carte n° 7, par exemple, de Stieler, et pour les vents, par la loi de leur giration dans notre hémisphère ; elle s’accomplit du sud au nord en passant par l’ouest, et dans le cycle entier, les vents de sud-ouest d’ouest, et de nord-ouest sont dominans et de plus longue durée. Ces vents, ces courans pousseront donc, et avec une vitesse relativement très grande, ces épaves flottantes, débris glorieux de la bataille, vers la côte française, au sud d’Ouessant, au sud de l’Iroise et de l’entrée de Brest. C’est leur première chance de salut. Mais tout sera-t-il dit, et seront-ils sauvés ? Pour qu’ils le soient, il faut qu’un port leur soit ouvert où nul