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en effet des résultats obtenus pendant un combat à ceux observés dans les polygones… En résumé, le monitor a été atteint par 70 ou 80 projectiles. Aucun projectile de 0m,23 n’a perforé sa cuirasse[1]. »

La rade de Toulon vient d’être fermée hermétiquement par des jetées pour soustraire à une surprise les escadres au mouillage dans cette rade. Voici d’ailleurs quelques-unes des considérations par lesquelles M. le contre-amiral Du Pin de Saint-André justifie cette coûteuse précaution. «… Il est possible que notre escadre soit récemment arrivée à Toulon à la suite d’une navigation pénible ; les équipages sont harassés, ont besoin d’un repos qui n’est pas moins indispensable aux machines et aux chaudières ; les approvisionnemens sont à renouveler, et les réparations d’entretien sont urgentes ; peut-être réunit-on une flotte de transports pour frapper un grand coup sur un port ennemi, etc. Tous les cas sont possibles. Faudra-t-il paralyser en permanence toute une flottille de croiseurs pour surveiller les abords éloignés et ceux immédiats de la rade ? êtes-vous assuré quand même qu’une occasion fortuite ou du fait de l’ennemi ne les dispersera pas ? allez vous tenir sur pied toutes les nuits les garnisons des forts et des batteries et les équipages des vaisseaux pour éloigner toute chance de péril ? Quoi que vous fassiez, la fatalité peut un jour accumuler en faveur de l’ennemi tant de circonstances heureuses et pour nous défavorables, que toutes vos précautions soient en défaut. L’histoire est là pour nous prouver que la fortune de la guerre se plaît au merveilleux le plus invraisemblable et que rien n’est impossible.

« Ce jour-là, au coucher du soleil, par un temps clair, aussi loin que le regard peut atteindre, du haut des sémaphores et du des mâts des croiseurs avancés, aucun indice de fumée lie décèle l’ennemi. Il est loin ; on peut être tranquille. En effet, l’ennemi est très loin, il est à 50, à 80, à 100 kilomètres, si vous voulez, à une distance enfin où sa présence ne peut être soupçonnée.

« Cependant le temps a changé ; à peine le soleil a-t-il disparu que la nuit arrive, sombre et pluvieuse, mais la mer est belle. La flotte ennemie, poussant ses feux et marchant à toute vapeur, se dirige sur Toulon. Trois heures lui suffisent pour franchir une distance de 60 kilomètres et plus ; elle a pu échapper aux croiseurs du large, elle s’arrête avant de pouvoir être aperçue des croiseurs de la côte. Aussitôt chacun des vaisseaux, porteur d’un canot torpilleur de chaque bord, le met à la mer ; ces torpilleurs sont munis, les uns de torpilles Withehead, les autres de torpilles portatives. Ils partent et se glissent comme des serpens vers l’entrée de la rade. Peut-on répondre que quelques-uns ne réussiront pas et sur cette

  1. Revue maritime, 1881 ; des Opérations de guerre maritime récentes.