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autrefois ; cela ne se faisait plus ; cela se fera encore : Strasbourg et Péronne en sont garans.

Par ce nouveau rôle et ces nouvelles missions que la logique impose aux escadres cuirassées nous entrons dans un nouveau système de guerre maritime : celui de l’attaque et de la défense des côtes. Quel que soit le but de l’assaillant, il est évident qu’il se présentera en force avec tous les moyens d’action que les circonstances lui permettront de réunir et qui seront calculés en vue du but spécial à atteindre. Quant à la défense, elle semble devoir être scindée en deux élémens distincts : défense fixe, défense mobile ; l’une comprenant les torpilles dormantes, les barrages, les fortifications de tout genre, établies d’avance ou improvisées sur le rivage, l’autre, reposant sur l’action isolée ou combinée des béliers, des batteries flottantes, des canonnières, des thornycrofts porte-torpilles à grande vitesse, s’appuyant suivant les lieux sur les vaisseaux cuirassés, sortant de l’inaction où les condamnait en haute mer l’infériorité du nombre.

L’étendue du théâtre des opérations d’une telle guerre, l’infinie variété des combinaisons qu’elle permet, nous rejettent encore une fois dans l’inconnu, ou tout au moins l’indéfini. Avec la mobilité extrême que là vapeur donne à tous les navires de guerre, quelle que soit d’ailleurs l’arme spéciale dont ils sont munis, avec la rapidité et la sûreté des informations que permet le télégraphe électrique, avec la force de concentration qu’assurent les chemins de fer, si, d’un côté, nul point du littoral n’est à l’abri d’une attaque, de l’autre, il n’est aucun point du littoral qui ne puisse être puissamment et rapidement protégé. Toute tentative de débarquement sous le feu d’une escadre maîtresse de la mer semblé pouvoir réussir, mais tout corps d’armée ainsi aventuré en plein territoire ennemi semble devoir être rejeté à la mer, avant d’avoir solidement établi sa base d’opérations et de ravitaillement ; et si cette base reste l’escadre qui l’a porté, si c’est par la mer qu’il doit vivre, sa situation parait bien hasardée, sinon compromise ; enfin, on peut se demander ce que pèse de nos jours, pour le succès définitif de la guerre, un corps d’armée dont l’effectif ne peut dépasser 30,000 hommes. Tout reste donc, nous le répétons encore, voué à l’inconnu, à l’indéfini, à des hasards heureux. Ce sera l’affaire de ceux qui prépareront de telles opérations, après les avoir décidées ; de ceux-là surtout qui auront à les mener à bonne fin.

Ces réserves faites, et nous ne saurions trop insister sur leur importance, il nous semble que du fond obscur de cet indéfini, se détachent, au nom de la raison des choses, quelques conjectures qui apparaissent avec un certain degré de probabilité, sinon de certitude. Comme ce sont les seules clartés qui résultent de nos