importante au fond, dans le gréement, dans la voilure, dans l’artillerie, dans l’arrimage, dans le service intérieur. En temps de guerre, cette expérience de la mer si rudement acquise, ces réformes si lentement accomplies se révélaient dans leur importance décisive ; elles étaient les gages assurés de la victoire entre deux flottes que conduisaient au combat des chefs à qui s’imposaient les mêmes règles tactiques, règles uniformes, mathématiques, dont surent seuls s’affranchir quelques chefs de génie, les Suffren, les Nelson mais qui ne durent qu’aux succès les plus glorieux d’être absous de les avoir transgressées.
Les longs récits des batailles navales, leur étude critique si souvent faite montrent la fixité de ces règles, fondée sur l’uniformité constante des causes, malgré la variété des incidens. Pendant plusieurs heures, souvent pendant des journées entières, on s’est disputé « l’avantage du vent ; » enfin les deux flottes se joignent, marchant toutes deux en un ordre prescrit par la règle, en ligne de file ou de bataille (line of file, of battle), les deux expressions sont identiques ; elles se sont canonnées d’abord à distance, puis bord à bord ; les murailles sont trouées par les décharges répétées des batteries ; les ponts ruissellent de sang ; les mâtures tombent et pendent échevelées le long du bord ; les gouvernails brisés ne dirigent plus le navire, presque immobile ; l’abordage est devenu possible ; pour quelques-uns, il a décidé de la lutte. Les amiraux cherchent dans les débris de leurs flottes combien de leurs vaisseaux peuvent manœuvrer encore. Le vainqueur sera celui qui en comptera le plus ; il peut achever la destruction de son adversaire si celui-ci persiste dans une héroïque et folle résistance ; mais la brise change, la nuit se fait ou tout autre incident le soustrait à ses coups : la lutte n’est pas finie ; elle se renouvellera bientôt sur un autre champ de bataille ; ou la nuit a tardé, la brise est restée la même, rien n’a modifié les chances respectives des combattans ; ou peut-être encore la tempête a achevé l’œuvre de destruction si bien commencée. Alors la victoire est décisive ; elle s’appellera Trafalgar, si vous le voulez, et pendant dix ans l’Angleterre sera la maîtresse incontestée de l’océan. Ses escadres bloqueront toutes les côtes ennemies, fût-ce celles de l’empire de Napoléon, c’est-à-dire celles de l’Europe ; ses convois sillonneront sans crainte les grandes routes commerciales du monde, dont les négocians de Londres et de Liverpool exploiteront seuls les marchés et monopoliseront les richesses.
Des grandes guerres maritimes de Louis XIV aux grandes guerres maritimes de la révolution et de l’empire, les dernières qui aient ensanglanté l’océan, ces quelques lignes résument les longs récits de toutes les batailles navales ; elles en fixent aussi les résultats positifs, tristes ou glorieux pour nous, suivant que les flottes fran-