révolution, tant elle s’est implantée dans les idées et dans les mœurs de toutes les classes ! De nos jours enfin, en prose comme en vers, elle est autant cultivée que jamais, surtout si l’on entend par le mot de pastorale, non pas seulement des églogues et des idylles proprement dites, mais en général des morceaux où dominent les peintures agrestes. Ce qui ne veut pas dire que l’idylle proprement dite soit abandonnée : consultez seulement les annales des Jeux floraux, et vous verrez quel nombre de pièces l’y représente à chaque concours.
Je ne veux faire qu’une remarque au sujet de notre pastorale contemporaine, c’est qu’elle vise sincèrement à se rapprocher de la nature. Elle n’est plus seulement une expression galante de l’amour dans un cadre conventionnel. Si, dans certains romans de George Sand qui sont de vraies idylles, elle parle d’amour, elle se sert d’une langue simple et expressive, qu’elle emprunte à la campagne, et qui, bien loin de détruire le charme des peintures rustiques, y contribue pour sa part. Cette recherche de la vérité n’est pas moindre chez les poètes d’aujourd’hui, et c’est peut-être ce qui, chez eux, compense le mieux cette absence de souffle et d’invention qu’on leur a plus d’une fois reprochée. Beaucoup sont des peintres attentifs et souvent heureux du détail dans la nature. C’est à elle qu’ils demandent directement leur inspiration, comme les paysagistes dans leurs études de plein air ; et l’on ne peut nier qu’à ce régime, la poésie descriptive n’ait gagné en précision et en délicatesse. Voyez, par exemple, certaines des petites pièces de M. André Theuriet, « tout imprégnées de la senteur forestière. » La netteté et la justesse du trait, l’élégance concise de la langue, la vérité du sentiment et de la couleur, un doux mouvement d’imagination, qui, sans prétendre à l’expression puissante de la vie, anime de légères esquisses toutes pénétrées des impressions de la nature, y rappellent bien des côtés de l’idylle grecque ; et l’on y sent, de plus, cette nuance d’émotion personnelle qui reste la marque des œuvres modernes les plus distinguées.
On ne se propose pas ici de retracer ce vaste développement de la pastorale. On voudrait seulement remonter jusqu’à la première source de cet intarissable courant et essayer de définir, avec plus de netteté qu’il n’a été fait jusqu’à présent, ces modèles offerts par l’idylle grecque, et si souvent défigurés par l’infidélité des imitations.
La pastorale grecque est dominée par le nom de Théocrite ; c’est lui qui l’a créée et en a laissé les modèles. Le premier point pour juger son œuvre et en déterminer le caractère, c’est de se représen-