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semblent ne plus même se douter de la signification de ce beau mot de liberté publique, — et comme ils n’ont pas plus l’expérience des affaires que le sentiment libéral, ils finissent pas n’être ni des hommes de gouvernement, ni des libéraux ; ils tombent justement dans cette politique de réformes décousues, d’expédiens agitateurs, dans cette confusion où l’on ne se reconnaît plus, où tout s’affaiblit. Le gouvernement, dira-t-on, entend garder son indépendance et se défendre de ces entraînemens. M. le ministre de l’instruction publique a déjà mis au rebut bon nombre de circulaires ou d’instructions de M. Paul Bert et il se prépare à combattre la proposition de M. Marcou sur le rétablissement du monopole universitaire. M. le président du conseil a suffisamment laissé comprendre qu’il mettrait un esprit plus libéral dans la loi sur les associations. Soit ; le ministère s’arrêtera où il pourra, il se défendra comme il pourra. Seulement le ministère lui-même ne paraît pas toujours fixé sur ce qu’il peut ou sur ce qu’il veut, et il est peut-être sur le point de faire quelque concession bien singulière avec cette mairie de Paris qu’on lui demande, qui ne serait qu’une réminiscence révolutionnaire, une institution périlleuse ou inutile, une menace d’usurpation ou une superfétation. Ce qu’il y a de certain, c’est que le ministère aura fort à faire pour se retenir sur cette pente de politique intérieure où l’on cherche déjà à l’entraîner et pour se défendre de toute fausse démarche dans la politique extérieure. Sur ce dernier point, qui n’est pas le moins délicat, le chef du cabinet a eu l’occasion de s’expliquer dans cette discussion qui a été provoquée au sujet de l’Égypte et où un jeune député, M. Francis Charmes, qui était déjà un écrivain ingénieux, s’est montré pour son début un orateur d’une simplicité élégante, habile à parler la langue des affaires. M. de Freycinet ne s’est pas beaucoup engagé ; il en a dit assez pour laisser voir que la question égyptienne était entrée récemment dans ce qu’on peut appeler une phase nouvelle. Elle était jusqu’ici surtout une affaire anglo-française ; elle est devenue une question européenne. L’essentiel est que, dans ces négociations plus générales, les intérêts spéciaux de la France restent sauvegardés, et M. le président du conseil en a donné l’assurance en prononçant le mot le plus sage, applicable à la politique extérieure comme à la politique intérieure : ce mot, c’est qu’il ne faut pas courir les aventures !

Tout ce qui se passe en Orient, en Égypte comme dans les autres régions musulmanes ou slaves, garde nécessairement une assez grande importance pour l’Europe. Surveiller les événemens qui se succèdent dans ces contrées où rien n’est jamais définitif, où se forment si souvent les orages, c’est le premier devoir de toutes les politiques sans doute, et c’est encore le meilleur moyen de prévenir les complications trop graves ou les conflits. Après cela, il n’y a point à s’y tromper, ce serait un danger d’un autre genre de se laisser