des Allemands. Il les considère comme une nation dans la nation, comme un état dans l’état, comme d’incorrigibles sémites, comme l’éternel étranger, comme des nomades qui n’auront jamais de patrie. Le pis est que ces nomades ont conclu avec leur Dieu un marché en forme, qu’en retour de l’obéissance qu’ils lui ont jurée, il s’est engagé à livrer leurs ennemis à leur discrétion, en leur laissant le choix de les exterminer ou de les rançonner. « L’Éternel, s’écriait le psalmiste, nous a choisi notre héritage, car il nous aime, et il rangera les peuples sous nous, il mettra les nations sous nos pieds. » Opprimez les juifs ou ils vous opprimeront, voilà le premier article de la morale de M. Dühring.
Si quelque candide israélite s’avisait de lui dire que ses coreligionnaires ne réclament après tout que leur part des biens communs, l’usage des libertés publiques, l’égalité devant la loi, il lui répondrait comme Pascal aux bons pères : Mentiris impudentissime. Les peuples, nous dit-il, font toujours leurs dieux à leur image, et Jéhovah a toujours été le plus ambitieux, le plus insociable, le plus usurpateur de tous les dieux. Il ne tenait qu’à lui de traiter à l’amiable avec les dieux des Cananéens, avec Baal et Astarté, avec Dagon et Derketo, de vivre en de bons termes avec eux, de leur faire leur part dans le gouvernement du monde. Il ne s’est prêté à aucun accord, à aucune transaction ; il a déclaré arrogamment qu’il n’y avait que lui, que le ciel et la terre lui appartenaient, et il n’a pas eu de repos qu’il ne se fût assuré le monopole de la divinité. Aussi insociables, aussi intolérans, aussi usurpateurs que leur Dieu, continue M. Dühring, les juifs ont comme lui la fureur du monopole. Quand ils réclament l’égalité, ne les croyez pas, c’est à la domination qu’ils aspirent, et la seule liberté dont ils se soucient est le droit de tyranniser, de pressurer, d’exploiter à leur guise et les philosophes et les chrétiens. « Je ferai de tes ennemis l’escabeau de tes pieds, » leur a dit Jéhovah. Jusqu’à la consommation des siècles, ce sera leur mot d’ordre et leur devise.
De toutes les annales du peuple élu M. Dühring n’a voulu retenir que deux choses, qui lui pèsent lourdement sur le cœur. Il aime à se souvenir qu’avant de partir pour leur voyage dans le désert, les enfans d’Israël ont eu bien soin d’emprunter aux Égyptiens leur argenterie et qu’ils ne l’ont jamais rendue. « C’est en Égypte, nous dit-il, que naquit la question des Juifs, et c’est ainsi qu’ils ont débuté dans la vie. Tels ils étaient, tels ils sont encore aujourd’hui. » M. Dühring est bien dur, il devrait considérer qu’il est vraiment un peu tard pour faire restitution à Pharaon. Une autre histoire qui a laissé une trace ineffaçable dans sa vive imagination est celle de la reine Esther. Il ne peut oublier que par sa beauté dangereuse elle s’empara du cœur d’Assuérus et qu’elle se fit donner par son maître et seigneur la maison d’Haman, après l’avoir fait pendre à un gibet haut de quinze coudées. La