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UNE
PRINCESSE ALLEMANDE
AU XVIIe SIECLE

Mémoires, de l’électrice Sophie de Hanovre. Publicationen aus den K. Preussischen Staatsarchiven, t. IV ; Leipzig, Hirzel.

Sainte Beuve voulait que l’on mît une devise aux correspondances de Madame, mère du régent, et il avait fait choix de cette ligne d’une des lettres de Madame : « Je suis très franche et très naturelle, et je dis tout ce que j’ai sur le cœur. » On pourrait de la même façon donner pour devise aux Mémoires de l’électrice Sophie de Hanovre, tante de Madame, ces mots des Mémoires : « Je n’aime pas à mentir. » Les nuances des deux caractères seraient ainsi parfaitement marquées, La nièce dit toute la vérité et au-delà, bruyamment, avec courage et grossièreté ; la tante a la sincérité prudente et ne laisse connaître de la vérité que ce qu’il est à propos. Madame fait une scène si forte à une fille de noblesse douteuse qui se prétendait sa parente, que la demoiselle en prend une maladie et en meurt ; l’électrice Sophie accepte pour bru, moyennant une bonne dot, une nièce de la main gauche, la laisse se fourvoyer dans des intrigues de cour et la regarde se perdre sans lui tendre la main. On se représente ce que seraient les mémoires de Madame si Madame, avait écrit des mémoires : quelles tempêtes et que de gros mots ! L’électrice, à qui la vie avait apporté tout autant de déceptions et de tracas, conserve, la plume à la main, une mesure parfaite. Gaie, pénétrante et point du tout crédule, « elle avait, dit Courville qui l’a connue, une pente naturelle à chercher souvent à dire quelque chose sur, son prochain, » mais ce sont coups de griffe mignons, coups de griffe de grande dame et de femme