de Jésus, pour laquelle il peint deux de ses meilleures toiles, le Mariage mystique du bienheureux Herman avec la sainte Vierge, le Mariage mystique de sainte Rosalie avec l’Enfant Jésus (musée du Belvédère à Vienne). En même temps, il fait son testament, par lequel il institue légataires universelles ses deux sœurs Suzanne et Isabelle, à la charge d’assurer la subsistance de sa vieille servante. Il n’y est point question encore d’une fille naturelle, dont il s’occupera dans un testament postérieur. Les succès éclatans qu’il venait d’obtenir lui permettaient de réparer rapidement sa fortune, et la correspondance relative à l’Érection de croix de Courtrai, qui nous a été conservée, prouve qu’il s’entendait à merveille à défendre ses intérêts. Il dut accepter toutefois dans cette affaire une réduction de 200 florins sur le prix de 800 florins qu’il demandait. Le malin chanoine Roger de Braye, qui avait obtenu cette concession par une épître en vers, remplaça, lors du règlement, les 200 florins supprimés par une douzaine de gaufres, dont le peintre le remercia. La négociation se fit de part et d’autre dans les termes les plus courtois. C’est alors qu’il peignit d’innombrables Christ en croix, Dépositions de croix, Ensevelissemens du Christ et Madones, dans lesquels il sut toujours mettre, sans varier beaucoup ses ordonnances, une expression pathétique d’une distinction séduisante qui leur attira immédiatement de nombreux dévots. Entre temps, il allait en Hollande, où il se rencontra avec Hals, pour y peindre le prince d’Orange, et il achevait, soit à Anvers, soit à Bruxelles, de nombreux portraits tantôt en bustes, tantôt en pied, tantôt à cheval, tous exécutés avec une résolution radieuse, dans des gammes hardies de couleurs vibrantes, où la précision expressive des vieux Flamands éclatait sous les chaudes enveloppes de l’Italie. D’une habileté sans pareille à saisir promptement le caractère d’une physionomie et à l’exprimer vivement par ses traits les plus délicats, il déployait dès lors, dans ce genre de travail, une souplesse qui se pliait à toutes les exigences et une aisance qui ne se déconcertait jamais. Toute la noblesse flamande et espagnole de la cour de Claire-Isabelle passa par son atelier ; Marie de Médicis et sa petite cour d’exilés français, Gaston d’Orléans, le comte de Moret, tinrent à honneur d’y venir, poser. Le pinceau du peintre ne lui suffisant plus, saisit l’outil du graveur, et, d’une pointe résolue dont la dextérité n’a pas été surpassée, il donna, dans dix admirables eaux-fortes, des modèles désespérans même pour les vaillans graveurs formés par Rubens, qu’il invita à l’imiter en leur fournissant des esquisses peintes d’après les contemporains célèbres. C’est alors que fut continuée méthodiquement la série célèbre des portraits d’artistes, probablement commencée en Italie, qui devait former plus tard le recueil des Centum Icones.
Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/195
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.