Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tous les documens avec un touchant éclat, et toutes les calomnies débitées à ce sujet sont définitivement anéanties par les pièces authentiques. On y voit la protection généreuse du maître s’étendre sur la vie entière de l’élève. Van Dyck était déjà indépendant et reçu franc-maître depuis deux ans, lorsque Rubens lui procura ses premiers travaux d’importance en stipulant, le 29 mars 1620, par un contrat passé avec le père Tirinus, supérieur des jésuites à Anvers, que Van Dyck, son principal collaborateur pour les trente-neuf grands plafonds à exécuter dans leur église, serait chargé d’exécuter seul et en son nom un grand tableau d’autel dans le même édifice. C’est Rubens qui, quelque temps après, le confie à son ami le chevalier Vanni pour qu’il l’accompagne en Italie ; c’est Rubens qui lui donne l’un de ses chevaux pour faire la route. Van Dyck laissa en souvenir à son maître trois tableaux qui restèrent chez lui jusqu’à sa mort, la Pénitence de saint Jérôme, le Couronnement d’épines, l’Arrestation du Christ : on les retrouve aujourd’hui au musée de Madrid. L’année précédente, il avait déjà fait un court voyage à Londres, sur l’invitation du comte d’Arundel, et c’était encore chez Rubens qu’il avait été présenté à la comtesse d’Arundel. Le portrait de Jacques Ier, qu’on voit au château de Windsor, date probablement de cette époque ; et la somme de 100 livres que Van Dyck toucha le 16 février 1621, d’après les registres de l’échiquier, dut en être le paiement.

Au départ pour l’Italie se rattache, dans toutes les biographies, le roman du Saint Martin conservé dans le village de Saventhem, près de Bruxelles. Au dire d’Houbraken, le jeune Van Dyck, faisant étape à Saventhem, s’y serait attardé plusieurs mois dans les bras d’une belle fille, paysanne ou bourgeoise, pour laquelle il aurait peint deux tableaux, le Saint Martin et une Sainte Famille. Rubens, accouru d’Anvers pour arracher son élève à cette séduction intempestive, aurait éprouvé toutes les peines du monde à lui faire reprendre sa route. Il ne restait déjà rien de cette histoire après deux enquêtes faites au XVIIIe siècle, l’une par le prince de Rubempré, l’autre par l’anonyme du Louvre. Le Saint Martin et la Sainte Famille avaient été simplement commandés par le seigneur de Saventhem, Ferdinand de Boichot, pour le prix de 300 florins ; on en avait les preuves écrites. Cependant un érudit belge, M. Galesloot, a dernièrement trouvé mieux ; il a mis la main sur un texte établissant que Van Dyck avait demandé une jeune fille de Saventhem en mariage et ne l’avait pas obtenue. La jeune fille, de bonne maison bourgeoise, se consola, se maria deux fois et ne mourut qu’en 1701, presque centenaire, ayant toujours de sa première inclination conservé un grand goût pour la peinture.

Van Dyck quitta Anvers le 3 octobre 1621. On connaît à peu près