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Francfort, où l’attendaient pourtant des lauriers diplomatiques de nature à lui faire prendre en patience l’ajournement momentané de ses espérances d’un autre genre[1].

Ce n’était pas seulement, en effet, ni la ville de Prague, ni même la couronne de Bohême qui avait été enlevée par escalade, mais bien la dignité impériale elle-même. La grande nouvelle était tombée en pleine diète à Francfort ; les électeurs ou leurs représentans y tenaient déjà séance depuis quelques jours sous la présidence de l’archevêque de Mayence lui-même ; mais ils n’avaient encore passé leur temps qu’à discuter les questions de préséance et d’étiquette qui ne manquaient jamais dans les réunions germaniques. Tout céda à l’instant devant l’arrêt de la fortune, et l’unanimité fut tout de suite assurée au protégé de la France. D’abord, par le fait même de la conquête de Prague, la question épineuse de l’admission ou de l’exclusion des représentans de Marie-Thérèse était réglée, car du moment que la Bohême reconnaissait en fait un nouveau roi, le moins qu’on pût faire, c’était de laisser son électorat en vacance. Des huit voix qui restaient, trois étaient assurées à Charles-Albert : la sienne propre, celle de la Saxe et du Brandebourg ; une quatrième, celle du Hanovre, était le prix de la neutralité promise au roi George. Les trois électeurs ecclésiastiques, n’ayant attendu que de savoir où était la force, n’avaient plus de raison pour balancer. Enfin l’électeur palatin, bien que cadet de la maison de Bavière, s’était bien fait prier quelque temps ; mais il se décidait à suivre la majorité depuis que, par la renonciation de Frédéric aux duchés de Berg et de Juliers, l’intégrité de sa succession était assurée à, son neveu, le margrave de Sultzbach, époux désigné d’une de ses petites-filles.

Ce fut même là, à Manheim, chez ce parent avec qui il avait jusque-là assez mal vécu, que Charles-Albert, laissant Belle-Isle aller mettre à Francfort la dernière main à son œuvre, vint attendre le résultat d’un vote qui n’était plus douteux. Il y devait prendre part aux fêtes d’une double noce : celle de l’héritier désigné de l’électorat, et celle de son propre frère, le duc Clément de Bavière, promis à une autre des princesses palatines. Ces fêtes, qui saluaient d’avance l’avènement d’un pouvoir nouveau, furent très brillantes, et si je n’avais déjà abusé de la patience du lecteur par le tableau des futilités ridicules des petites cours allemandes, je ne résisterais pas à la tentation de rapporter encore ici quelques détails burlesques dont un auteur comique ferait son profit. On me laissera bien raconter,

  1. Belle-Isle à Fleury. — Fleury à Belle-Isle, 15 décembre 1741. — (Correspondance de l’ambassade auprès de la diète. — Ministère des affaires étrangères.) — Belle-Isle à Valory, 20 décembre 1841. — « Il pourrait très bien arriver que M. de Broglie ne passera ici que l’hiver, sachant que ma santé se rétablira, et en effet elle va de mieux en mieux. » — (Correspondance de Prusse. — Ministère des affaires étrangères.)