Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien le défilé désigné aujourd’hui sous le nom de Passe de Serdari, l’étape fut à peu près de 48 kilomètres. « A l’issue de ce défilé, on entre dans la fertile plaine de Khar ; on rencontre ensuite un désert qui se prolonge, sur une longueur de 72 kilomètres, jusqu’à Lasguird. » Avant de songer à traverser cette région désolée, il faut rassembler des provisions ; la plaine de Khar est heureusement en mesure d’en fournir. Alexandre, dès qu’il a franchi les Pyles caspiennes, envoie Cœnus, avec quelques chevaux et quelques fantassins, battre la campagne. Pendant ce temps, les renseignemens affluent ; on n’a que la peine d’en démêler le fil et de les contrôler rapidement l’un par l’autre. « Bessus n’est plus qu’à 36 ou 37 kilomètres ; son année marche débandée et sans ordre ; Darius, bien que prisonnier, vit encore ; si l’on veut le sauver, il n’y a pas un moment à perdre. » Alexandre n’attendra pas le retour de Cœnus, Il prend avec lui ses hétaïres, des chevaux légers et l’élite de son infanterie ; le reste de l’armée, conduit par Cratère, reçoit l’ordre de suivre à petites journées. La troupe d’Alexandre n’emporte que ses armes et deux jours de vivres ; elle marche toute la nuit et fait halte le lendemain, vers midi ; dès le soir même, elle reprend sa course.

Seuls peut-être entre toutes les nations militaires de l’Europe, nous avons le droit de trouver ces prodiges d’activité vraisemblables ; nos soldats d’Afrique nous y ont habitués. Pouvions-nous cependant nous attendre à rencontrer encore à l’avant-garde ce jeune roi qui déjà soutient sur ses épaules près de la moitié du monde ? Le lendemain de sa première étape, Alexandre arrive, vers le milieu du jour, près d’un village où les fuyards ont campé la veille. Là de nouveaux transfuges lui apprennent que Bessus se sait poursuivi, qu’il se propose de mettre par une marche de nuit un plus grand intervalle entre son armée et la cavalerie macédonienne. Le roi de Macédoine, par bonheur, a maintenant pour alliés tout ce qui s’intéresse au sort du roi des Perses. Les guides s’offrent en foule. On peut couper la route à Bessus ; il existe un chemin plus court que la route directe ; seulement, sur ce chemin, on ne trouvera pas d’eau. Qu’importe ? L’essentiel est d’arriver vite. L’infanterie, — la chose est certaine, — va retarder la marche. L’infanterie ? qu’elle reste en arrière ! Ne fut-ce pas aussi votre avis, brave colonel Morris, le jour où il fallut poursuivre sans répit Abd-el-Kader ? Que de souvenirs fait revivre, à chaque instant, sous mes pas, cette histoire d’Alexandre ! Dans la foule des héros qu’elle évoque, mon regard attendri croit sans cesse distinguer les traits à peine altérés des plus chers amis de ma jeunesse. Oui ! que l’infanterie reste en arrière ! Pour atteindre et vaincre Bessus, les hétaires et cinq cents fantassins montés suffiront. Accompagné de cette troupe choisie, Alexandre part vers le soir ; le jour parait avant que la distance soit