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pourtant être indéfinie, se défendent contre les redoutables, élémens de hausse que leur opposent la diminution continue de la valeur de l’argent et l’augmentation du taux des salaires. Voilà ce qui intéresse, avant tout, la nation prise dans sa généralité, et ce grand intérêt domine de très haut les griefs particuliers que l’on attribue aux tarifs des compagnies.

Il y a plus : si l’exploitation des chemins de fer et la rédaction des tarifs étaient directement confiées à l’état, les griefs deviendraient encore beaucoup plus graves : car alors se produirait infailliblement l’action des influences politiques. Si étendu que soit le droit de contrôle du gouvernement à l’égard des compagnies, il a cependant une limite dans les termes, et dans les chiffres inscrits aux cahiers des charges. Que ces contrats disparaissent et que l’état demeure seul maître, aussitôt la législation des chemins de fer devient affaire politique et le tarif est transformé en impôts c’est-à-dire qu’au lieu d’être simplement assujettis (comme ils le sont aujourd’hui) aux fluctuations des lois économiques, les chemins de fer dépendront, en outre, des vicissitudes de la politique, ou plutôt ils appartiendront entièrement à la politique ; car celle-ci absorbe tout ce qu’elle touche. Les tarifs seront fixés, non plus en vue d’une exploitation commerciale, mais selon la situation générale du trésor et du budget. Vienne une période moins prospère pour les finances : comment les pouvoirs publics ne seraient-ils pas tentés de battre monnaie ! avec la taxe des chemins de fer ? Ils l’ont déjà fait, du reste, par les centimes additionnels, mais combien ils seraient, en pareils cas, plus entreprenans contre les tarifs s’ils avaient à leur disposition le principal des taxes ! M. Léon Say dit avec raison qu’il serait très difficile de dresser un budget où il faudrait faire entrer les élémens si incertains de la recette et de la dépense des voies ferrées, et qu’il en résulterait l’instabilité la plus regrettable dans la loi financière. Cette objection est la première qui se présente à l’esprit d’un ministre des finances, et l’exemple de la Belgique, où le budget des chemins de fer cause au gouvernement de continuels embarras, montre à quel point elle est fondée ; mais pareille objection se rencontre avec non moins de force, si l’on considère l’intérêt des transports., Avec le régime des concessions, les tarifs ont un maximum : l’expérience prouve que les changements n’y ont été introduits ; que sous la forme de réductions : les relèvemens, s’il s’en produisait, ne seraient applicables qu’après un long délai ; en un mot, il y a presque certitude que les conditions présentes ne seront jamais modifiées dans le sens du renchérissement des transports. Avec le régime de l’exploitation par l’état, avec le tarif-impôt, cette garantie n’existe plus. Il convient donc que le budget des voies ferrées demeure, autant que possible, indépendant du budget général de l’état.