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la France à l’étranger. L’état seul, par ses décisions patriotiques et impartiales, peut régler les tarifs, qui seront appliqués et respectés à l’égal des lois.

Ainsi attaquées, les compagnies se sont vigoureusement défendues. Le seul argument qu’il nous convienne de produire, en dehors et au-dessus dès querelles de mots et de chiffres dont le public est saturé, c’est que l’état, maître des tarifs, ne procéderait sans doute pas autrement que les compagnies. S’il changeait ! le régime appliqué jusqu’ici sous son contrôle, ce changement serait plutôt contraire que favorable aux intérêts dont on prend souci. Enfin la souveraineté sur les tarifs créerait à l’état des embarras incessans et une responsabilité qu’il importe de lui épargner. Voilà, croyons-nous, la vraie question, quel que soit le mérite ou le démérite des compagnies.

Les cahiers des charges stipulent, au profit des concessionnaires qui ont construit une voie ferrée et qui l’exploitent, le droit de percevoir des tarifs de transport. Ce droit constitue une propriété, et cette propriété est la principale garantie des capitaux fournis à l’entreprise soit par les actions, soit par les emprunts. Il est toutefois sujet à des conditions et à des restrictions commandées par l’intérêt public. Des. tarifs maxima sont fixés pour les différentes classes de voyageurs et de marchandises : si la compagnie désire abaisser un tarif, elle ne peut le faire qu’après avoir obtenu l’homologation, c’est-à-dire l’autorisation formelle du gouvernement ; si, après avoir abaissé un tarif, elle désire le relever dans les limites du maximum, elle ne peut appliquer ce relèvement qu’après un délai de trois mois pour les voyageurs et d’un an pour les marchandises. Telle est la règle. Il ne peut être touché aux tarifs, même pour des réductions, que moyennant l’approbation préalable et de par la décision souveraine du ministre des travaux publics, et celui-ci ne se prononce qu’après avoir ouvert une enquête et recueilli tous les avis. Par conséquent, les critiques, fondées ou non, au sujet des tarifs, s’adressent à l’état plus, encore qu’aux compagnies ; car il ne se perçoit pas une taxe que le ministre ne l’ait consacrée. Bien plus, comme les homologations, depuis 1857, n’ont été accordées qu’à titre provisoire, le ministre aurait le droit et le pouvoir de révoquer ceux des tarifs approuvés qui lui paraîtraient donner lieu à des réclamations légitimes, ces tarifs fussent-ils appliqués depuis vingt-cinq ans ! L’état n’est-il pas armé de toutes pièces contre les abus et contre les erreurs des compagnies ? Il s’est même réservé, par le système des homologations provisoires, c’est-à-dire indéfiniment révocables, une faculté vraiment exorbitante que n’autorise ni le texte ni l’esprit des cahiers des charges. Cet exposé préliminaire suffit pour démontrer que, pour la police des tarifs, le rachat des