apparaît aujourd’hui, est, on ne l’ignore pas, la conséquence d’une intervention de la force militaire qui a commencé à se manifester l’an dernier, qui en est bientôt venue à dominer le khédive, le faible Tewfik, en lui imposant la réunion d’une chambre des notables et un changement de ministère. Cette insurrection soldatesque préparée et conduite par des colonels, particulièrement représentée par le plus entreprenant des chefs militaires, Arabi-Bey, cette insurrection a paru d’abord se contenter de ce premier succès, de la réunion des notables et du nouveau cabinet placé sous la présidence de Chérif-Pacha ; mais il est clair que dans la pensée des fauteurs de la sédition Chérif-Pacha n’était qu’une transition, que l’assemblée des notables elle-même n’existait qu’à la condition d’être l’instrument commode d’Arabi-Bey, qui s’était proclamé le « tuteur armé du peuple, » le chef du parti national, et le parti dit national ou militaire vient, en effet, de dévoiler ses desseins, de faire un pas de plus. Il s’est servi, — à propos du budget, — de l’assemblée des notables pour dicter encore une fois ses volontés au khédive, pour lui imposer un nouveau cabinet qui est censé avoir pour président Mahmoud-Barroudi, dont Arabi-Bey est, à vrai dire, le chef réel sous le titre de ministre de la guerre. Il n’était que sous-secrétaire d’état avec Chérif-Pacha ; il est maintenant ministre avec Mahmoud-Barroudi. C’est lui qui a mené toute cette campagne avec une singulière audace d’ambition; c’est Arabi-Bey qui est devenu visiblement une sorte de dictateur devant qui le khédive et les notables font une assez pauvre figure. La question est maintenant de savoir quelles sont les conséquences possibles de ce mouvement, dans quelle mesure il peut modifier les conditions intérieures de l’Égypte, comment aussi il entend s’accommoder avec les relations internationales établies jusqu’ici, avec les droits reconnus aux puissances européennes protectrices de l’ancienne vice-royauté de Méhémet-Ali.
Qu’on le remarque bien : il n’y a point ici, en Égypte, comme dans d’autres provinces du monde ottoman, des révoltes traditionnelles des races opprimées, des agitations slaves, des luttes entre chrétiens et musulmans, pas plus qu’il n’y a cette éternelle question de l’intégrité de l’empire turc. C’est une situation toute particulière où depuis longtemps la suzeraineté du gouvernement de Constantinople n’est plus qu’un mot, en dépit des tentatives du sultan pour maintenir son autorité, où l’indépendance égyptienne représentée par le khédive est la seule réalité garantie par l’Europe, par les traités comme par une tradition déjà longue. Cette garantie est réelle, effective, quoiqu’elle se manifeste sous des formes et dans des proportions différentes. Entre toutes les puissances qui ont certainement le droit de s’occuper de ce qui se passe dans la vallée du Nil, mais qui n’ont pas des intérêts également directs, la France et l’Angleterre ont été de tout temps