Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/954

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

démocratique et laïque dans ce savant et minutieux projet, c’est évidemment ce qui concerne le jardin des curés de village. Ce jardin ne devra pas dépasser six ares, il pourra cependant aller jusqu’à six ares : moyennant quoi la société laïque est en sûreté !

Et après cela, pourra-t-on dire que le ministère du 14 novembre n’avait pas une grande politique, de grands desseins, qu’il ne méditait pas de sérieuses et libérales réformes au moment où il a été surpris par le vote sur la révision ? Heureusement, il faut bien s’en consoler, les lois de M. Paul Bert, comme les autres, ne sont que des projets, et le testament du cabinet du 14 novembre n’est pas d’une exécution obligatoire ; il risque d’être cassé. Si M. Gambetta a cru se remettre en crédit et préparer ainsi son prochain retour aux affaires, il s’est trompé. Il n’a réussi qu’à rendre plus plausibles les causes d’une chute que M. le président de la république avait, dit-on, prévue dès le début, et la nécessité d’un ministère moins compromis, appelé à dégager une situation troublée.

À dire vrai, c’est l’avantage le plus clair, n’est la force relative du nouveau cabinet d’être arrivé à la direction des affaires après cette turbulente et incohérente expérience des derniers mois. Les fautes de ses prédécesseurs ont été sa raison d’être et lui ont créé tout d’abord une certaine facilité, une certaine position où il a pu s’établir sans grande contestation. Il a profité, pour son avènement, de la défaveur qui accompagnait l’administration du 14 novembre dans sa retraite et de l’impossibilité à peu près reconnue d’arriver pour le moment à une combinaison autre que celle qui a été adoptée. Ce ministère, qui ne date que de quelques jours, il a eu après tout jusqu’ici une suffisante liberté. Il a pu, sans rencontrer la moindre résistance, sans exciter même la moindre surprise, se livrer à ce travail de révision des œuvres ministérielles par lequel il a débuté, défaire ce qu’on avait fait, relever ce qu’on avait détruit, réorganiser les services ; personne n’a songé à lui en demander compte. Il a pu surtout, sans plus de retard, se débarrasser d’une difficulté politique préliminaire, de cette question de la révision constitutionnelle que les discussions de la chambre n’avaient certes pas éclaircie, que le vote du 26 janvier laissait, au contraire, plus obscure et plus indécise que jamais. Il est clair que logiquement cette révision avait disparu dans la crise dont elle avait été la première cause ou le prétexte ostensible, que le nouveau ministère ne pouvait pas être arrivé au pouvoir pour recommencer aussitôt la campagne de M. Gambetta, et le président du conseil a trouvé l’occasion d’une facile victoire dans l’interpellation qui lui a été adressée pour lui demander ce qu’il pensait de tout cela, ce qu’il entendait faire du vote du 26 janvier. M. de Freycinet, avec sa dextérité de parole, est convenu qu’il n’entendait rien faire du tout du vote du 26 janvier ; il n’a pas eu