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Par une sorte de fatalité, les noms des maîtres qui ont concouru à l’exécution de ce bel ouvrage ne nous ont pas été conservés. Ils avaient été pourtant gravés aussi sur la plinthe de la frise et, par deux fois, sur des fragmens on retrouve le mot ἐποίησεν, que devaient précéder ces noms eux-mêmes aujourd’hui disparus. Peut-être des recherches plus minutieuses les feront-ils connaître. Mais bien qu’on puisse déjà affirmer qu’ils étaient au moins deux, loin de rencontrer ici les inégalités de facture et les contrastes de style que nous avons dû signaler dans les statues d’Olympie, nous ne pouvons qu’admirer l’unité parfaite d’une œuvre qui, par ses qualités d’exécution, se rattache aux plus hautes traditions de l’école attique. Quand des photographies et surtout des moulages en auront répandu la connaissance, on pourra, mieux que sur des affirmations qui aujourd’hui doivent sembler excessives, apprécier la grandeur de cette découverte. Pour nous, nous n’hésiterons pas à le dire, après les marbres du Parthénon, ceux de Pergame nous paraissent constituer le monument le plus important et le plus complet de l’art antique qui jusqu’ici nous soit parvenu.

Jamais, il est vrai, dans l’antiquité, ni même au temps de la renaissance, on ne rencontre cette violence dans les mouvemens, ni cet élan passionné dont Michel-Ange lui-même ne nous offrirait pas l’exemple. Pour en découvrir l’équivalent, il faudrait aller jusqu’à ce Départ, de Rude, une des œuvres les plus puissantes de notre école contemporaine et dont, à première vue, la frise de Pergame a évoqué dans notre esprit le souvenir. Quant à l’exécution, si, par sa largeur et sa souplesse, elle présente, — surtout dans la façon de traiter le nu, — des analogies frappantes avec celle de Phidias, le modelé plus profond des draperies et la saillie plus accusée des figures y révèlent des différences tout aussi marquées. D’autres sculptures antiques nous montrent d’ailleurs un style absolument pareil. Ce sont d’abord, à Athènes, les figures de la balustrade du temple de la Victoire aptère, et, principalement celle de la Victoire au taureau, dans laquelle, non-seulement le jet du personnage, mais aussi la disposition de son vêtement rappellent d’une manière positive plusieurs figures de la frise. Aussi ne sommes-nous pas étonné qu’attribuant ces ouvrages à l’école de Pergame, certains archéologues les considèrent comme ayant fait partie des présens envoyés à Athènes par Attale. Même parenté encore avec cette belle Victoire de Samothrace, que nous possédons au Louvre ; même manière d’indiquer les plis dans ces étoffes légères qui, tantôt ajustées et comme plaquées sur les parties saillantes des figures, dessinent délicatement leurs formes, tantôt gonflées par l’air et voltigeant autour d’elles, expriment si bien la rapidité