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les paysans qui, dans ce temps-là, travaillaient pour le seigneur. C’est la chaumière des paysans du seigneur voisin qu’on brûlait. « Ah ! tu me brûles mes chaumières, disait le seigneur attaqué ; je vais te brûler les tiennes. » Il le faisait, et il brûlait, non-seulement les chaumières, mais encore les recolles. El qu’arrive-t-il quand on brûle les récoltes ? Il y a la famine. Est-ce qu’on peut vivre sans, manger ? » Toute la classe : « Non, monsieur. — Alors, il a bien fallu trouver un remède. » Le voilà qui parle de la trêve de Dieu ; puis il commente : « C’est une singulière loi, par exemple. Comment ! on dit à des brigands : « Restez tranquilles du samedi soir au mercredi matin, mais le reste du temps, ne vous gênez pas, battez-vous, brûlez, pillez, tuez ! » Ils étaient donc fous, ces gens-là ? » Une voix : « Bien sûr. — Mais non, ils n’étaient pas fous. Écoutez-moi bien. Il y a ici des paresseux. Je fais ce que je puis pour qu’ils travaillent toute la semaine ; mais je serais à moitié content de les voir travailler jusqu’au mercredi. L’église aurait bien voulu qu’on ne se battît pas du tout ; mais, comme elle ne pouvait l’obtenir, elle a essayé de faire rester les seigneurs tranquilles une moitié de la semaine. C’était toujours, cela de gagné. Mais l’église n’a pas réussi. Il fallait la force contre la force, et c’est le roi qui a mis tous ces gens à la raison. » Alors le maître explique que les seigneurs n’étaient pas égaux les uns aux autres, qu’il y avait au-dessus du maître de tel château un seigneur plus puissant et plus élevé, habitant dans un autre château. Il donne une idée, presque juste, de l’échelle féodale, et, tout en haut, il place le roi. « Quand des gens se battent entre eux, qui est-ce qui les arrête ? » Réponse : « Les sergens de ville. — Eh bien, le roi était un sergent de ville. — Qu’est-ce qu’on fait de ceux qui ont battu et tué quelqu’un ? » Réponse : « On les juge. — Eh bien ! le roi était un juge. Est-ce qu’on peut se passer de gendarmes et de juges ? — Non, monsieur. — Eh bien ! les anciens rois ont été aussi utiles à la France que les gendarmes et les juges. Ils ont fait du mal dans la suite, mais ils ont commencé par faire du bien. Qu’est-ce que je dis ? aussi utiles ? Bien plus ; car il y avait alors plus de brigands qu’aujourd’hui. C’étaient des gens féroces que ces seigneurs, n’est-ce pas ? » La classe : « Oui, monsieur. — Et le peuple, mes enfans, valait-il mieux ? » Réponse unanime, d’un ton convaincu : « Oui, monsieur. — Eh bien ! non, mes enfans. Quand ils étaient lâchés, les gens du peuple étaient des gens terribles. Ils pillaient, brûlaient, tuaient, eux aussi ; ils tuaient les femmes et les enfans. Pensez qu’ils ne savaient pas ce qui était bien, ni ce qui était mal. On ne leur apprenait pas à lire. »

Sur ce mot qui n’est qu’à moitié juste, finit une leçon qui avait