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trompée. Les étudians ont amené des étudians, le travail des travailleurs, et la réforme de la licence ès-lettres est venue, fort à propos, seconder nos efforts. Cet examen reste un examen littéraire, mais il n’a plus l’inflexible uniformité d’autrefois : il tient compte des vocations particulières. Le futur historien y trouve des épreuves littéraires sérieuses, une composition en français, une autre en latin, et des explications d’auteurs grecs, français, latins ; mais certaines épreuves de la licence ès-lettres pure lui sont épargnées ; il les remplace par des épreuves historiques. Le premier examen de la licence ainsi modifié ne se fera qu’au mois de juillet 1882 ; mais la seule annonce de cette réforme a eu pour effet de nous amener plus d’une centaine d’étudians en lettres et histoire. C’est la première fois qu’en France tant de jeunes gens se trouvent réunis pour étudier l’histoire.

Dès le début de l’année scolaire, le comité d’histoire s’est réuni, sous la présidence de son directeur, M. Himly, aujourd’hui doyen de la Faculté des lettres. Cette première séance a été employée à rédiger l’affiche et à répartir entre les professeurs les matières du concours d’agrégation. Mais nous avions désormais mieux à faire que de préparer des candidats à l’agrégation ; le moment était venu d’organiser une école historique. Il fut décidé que l’affiche annoncerait un ensemble de cours et de conférences faits à la Faculté et à l’Ecole des hautes études, et propres à servir, par la variété des sujets et des méthodes, à l’éducation d’un historien. Ces cours sont très nombreux. Dès la fin de la dernière année scolaire, un cours de philologie et d’histoire grecque[1] ; au commencement de celle-ci, un cours de paléographie et de diplomatique du moyen âge et un cours d’histoire contemporaine ont été institués. Peu à peu, les vides se comblent, les desiderata sont satisfaits. Il est donné aujourd’hui à la Sorbonne vingt-cinq leçons d’histoire et de géographie par semaine. Il s’agit maintenant de diriger les étudians, de mettre de l’ordre dans leur travail et de déterminer un système d’éducation où chacun d’eux prendra ce qui convient à ses forces, à ses goûts et à sa vocation.

C’est une garantie de succès que le comité d’histoire voie bien toutes les difficultés de l’œuvre entreprise.

L’éducation la plus parfaite serait celle qui formerait un historien sans programme ni souci des futures exigences d’un métier. Un jeune homme arrive à la Faculté : son goût et le libre choix de sa

  1. Cette conférence a été instituée pour M. Charles Graux, que la mort vient de nous enlever. Nul n’était plus capable d’enseigner à la fois la philologie et l’histoire que ce jeune homme, qui, étant un philologue de premier ordre, allait mettre sa science au service de l’histoire. Je me fais un devoir de rendre une fois de plus hommage à sa mémoire.