Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/866

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réussi en Égypte, mais pourquoi ? C’est qu’à côté d’elle figurait un contrôle organisé par la France et par l’Angleterre, contrôle qui avait préparé l’œuvre et qui en a assuré l’exécution. Si l’on s’était borné à édicter un arrangement financier, laissant à l’Égypte le soin de le mettre en pratique ou de le mettre en oubli, il est certain que c’est à ce dernier parti que l’Égypte se serait arrêtée. Mais peut-on traiter la Turquie comme on a traité l’Égypte ? Non, et pour plusieurs raisons, dont la principale est qu’un contrôle établi à Constantinople devrait être international, ce qui le rendrait bientôt illusoire ou ce qui provoquerait plus vite encore un conflit violent entre les puissances. Il est déjà bien difficile de maintenir l’accord de la France et de l’Angleterre en Égypte ; chaque jour un nouveau danger le menace, une nouvelle épreuve risque de l’emporter. Mais s’imagine-t-on ce que serait eu Turquie un contrôle financier exercé en commun par des nations dont les intérêts sont aussi divergens que ceux de l’Autriche, de la Russie, de l’Italie, de la France, de l’Allemagne et de l’Angleterre, etc. ? Plusieurs de ces puissances sont bien loin de désirer que la situation économique de l’empire ottoman s’éclaircisse ; elles n’ont pas de porteurs de la dette turque parmi leurs sujets, ou elles en ont si peu que cela ne les touche en rien. En revanche, elles ont des ambitions politiques que tous les troubles qui se produisent en Orient favorisent. On peut être sûr qu’elles n’épargneraient rien pour fomenter ces troubles, et que le droit d’ingérence qu’on leur aurait donné dans les affaires turques ne leur servirait qu’à se liguer avec les Turcs pour augmenter l’anarchie qui dévore l’empire ottoman.

Le seul moyen qu’on puisse tenter, non pour relever les finances de la Turquie, mais pour arrêter les progrès de la ruine ottomane, est celui dont on a fait avec quelque succès, depuis un an, une première expérience. Les six principales contributions indirectes, le tabac, le sel, la soie, le timbre, le poisson et les spiritueux, ont été données en quelque sorte à ferme aux banquiers de Galata pour le service de la dette que la Porte a contractée envers eux. Un iradé impérial les a autorisés à organiser eux-mêmes la perception de ces contributions, à en percevoir le produit, à s’attribuer la partie qui leur en revient légitimement, à conserver le reste pour les créanciers consolidés. Une administration spéciale a été créée à cet effet. Confiée à un homme d’intelligence et d’initiative, M. Lang, qui avait acquis à la Banque ottomane une connaissance approfondie des hommes et des choses d’Orient, elle est composée d’un petit nombre d’Européens, mais la majorité des employés est demeurée turque. On a vu là une fois de plus combien la corruption administrative était en Turquie un produit artificiel de la constitution politique. Dès qu’ils sont régulièrement surveillés et convenablement payés,