Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/826

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

électrique a détaché le licol, sont venus d’eux-mêmes se ranger au limon, dressés qu’ils sont à cette manœuvre. Les harnais, suspendus en l’air par une ficelle, s’abattent sur leur dos ; et en beaucoup moins de temps qu’il n’en faut pour le raconter, les chevaux sont attelés et la voiture prête à partir. L’expérience, deux fois répétée sous nos yeux, ne prend pas plus d’une minute, montre en main.

Nous revenons ensuite à Madison-Square. Là se trouve un des nombreux poteaux qui sont dressés dans tous les quartiers de la ville et auxquels sont adaptés des boutons électriques correspondant aux différens postes d’incendie. On appuie sur le bouton. Trois ou quatre minutes après nous entendons le roulement d’une voiture et le son d’une cloche. C’est une pompe qu’amènent deux chevaux lancés à plein galop ; un pompier, assis à côté du cocher, sonne à toute volée une cloche qui avertit piétons et voitures de laisser le passage libre. Un instant après arrive une seconde pompe, puis une troisième ; moins de dix minutes après le signal donné, cinq pompes sont déjà en batterie, les tuyaux ajustés, les échelles dressées ; il ne manque qu’une maison en feu. La foule qui s’est rassemblée éclate en applaudissemens. Nous nous y joignons de bon cœur, et nous ne saurions moins faire pour féliciter ces braves gens, fort bien payés du reste, car leur traitement annuel ne s’élève pas à moins de 8 à 900 dollars (de 4,000 à 4,500 francs). Nous rentrons à l’hôtel tout émerveillés, nous rappelant avec un peu de confusion la déplorable insuffisance de notre organisation parisienne, que les épisodes de l’incendie des Magasins du Printemps ont révélée d’une façon si douloureuse et bien convaincus qu’à New-York éteindre un pareil incendie ne serait qu’un jeu. Quelle n’est pas notre surprise, quelques jours après avoir quitté New-York, de lire dans le journal que, le surlendemain de notre départ, le feu a pris précisément dans les écuries d’un des membres du comité qui assistait avec nous à cette exhibition, et que, non-seulement ces écuries et les chevaux qu’elles contenaient ont été consumés par les flammes, mais que l’incendie, après avoir dévoré le pâté de maisons, a gagné un magasin de nouveautés situé de l’autre côté de la rue et en a détruit une partie ! Est-ce à dire que l’organisation du corps des sapeurs-pompiers de New-York ne soit pas excellente et de tous points très supérieure à la nôtre ? Assurément non. Cela prouve seulement que le feu est un élément redoutable contre lequel les précautions les mieux entendues sont souvent insuffisantes. D’ailleurs, s’il n’y avait pas de terribles incendies à New-York, il n’y aurait pas non plus de si belles pompes à montrer aux étrangers, et ce serait bien dommage.