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pour nous recevoir, l’un très vaste pour toute la bande, l’autre plus petit, orné avec goût de fleurs et de nœuds tricolores, pour Mme de Rochambeau. Les membres du comité, comprenant que nous avons besoin de quelque repos, prennent alors congé de nous pour le reste de la journée. Deux ou trois d’entre eux restent cependant à l’hôtel pour s’assurer que rien ne nous manque, et il nous est impossible de faire un pas dans un couloir sans rencontrer quelqu’un qui nous demande si par hasard nous n’aurions pas besoin de quelque chose.


NEW-YORK.

5-7 octobre.

Madison-square, où est situé notre hôtel, est un des points les plus gais et les plus brillans de New-York. La longue artère de Broadway y est coupée à angle aigu par la large voie de Fifth-Avenue, qui est, au contraire, bordée dans toute sa longueur d’habitations aristocratiques. D’autres rues et d’autres avenues, les unes toutes commerçantes comme la vingt-troisième rue, les autres élégamment habitées comme Madison-Avenue, y aboutissent également. Aussi l’animation y est-elle extrême, et des fenêtres de l’hôtel on a sous les yeux le spectacle du perpétuel entrecroisement des tramways, des omnibus, des lourdes charrettes et des voitures de luxe. Le jardin public, qui est en face de l’hôtel, est assez bien tenu, et le square éclairé le soir à la lumière électrique au moyen d’un faisceau de quatre becs de lumière réunis au sommet d’un mât très élevé. Le jour, ce mât, qui ressemble à un grand mât de cocagne, est d’un aspect assez disgracieux, mais le soir, grâce à l’élévation du foyer lumineux, la place est brillamment illuminée sans qu’on soit exposé à être aveuglé dès qu’on lève un peu les yeux.

L’intérieur de l’hôtel n’est pas, dans un autre genre, moins animé que la place. L’enfilade de salons richement meublés qui occupe toute la façade du premier, et les couloirs mêmes, garnis de canapés et d’épais tapis, se remplissent, vers l’heure du dîner, de la foule des habitans de l’hôtel qui y passent leur soirée, en toilette assez soignée. Mais cette animation n’est rien auprès de celle que présente le grand hall situé au rez-de-chaussée, de plain-pied avec la rue. L’hôtel de Fifth-Avenue étant un endroit très central, beaucoup de gens viennent, leurs affaires terminées, passer quelques instans dans ce hall pour y rencontrer du monde, lire les journaux, prendre un cock-tail au bar et fumer un cigare. Aussi est-ce une perpétuelle cohue d’entrans et de sortans, par laquelle on est incessamment bousculé. Cette foule qui fume un acre tabac et qui crache partout, n’a, comme toutes les foules, rien de distingué, et beaucoup de touristes qui parlent de la société américaine n’ont pas