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Mme d’Hautefort, qui assistait à cette succession de petites scènes d’intérieur, m’a paru très étonnée de ce dernier fait. Tout en elle indiquait la surprise, l’émotion, la curiosité. Il m’est impossible de croire que la dame d’honneur fût dans le secret de cette révélation si intéressante.

J’allai faire part de ce grave incident au général Bugeaud, qui m’a paru fort enchanté de la tournure que prenait cette affaire :

— Tout marche à merveille ; les difficultés de la position s’aplanissent d’elles-mêmes, les déclarations précédentes vont se trouver confirmées de la manière la plus complète, et si M. d’Argout n’est pas pleinement satisfait, il faudra vraiment qu’il soit bien difficile à contenter.

Toutes ces petites particularités se succédaient rapidement. Un peu avant quatre heures, tous les témoins étant rassemblés dans le salon, M. Deneux lut à haute et intelligible voix la déclaration suivante :

« Je déclare que son altesse royale Marie-Caroline, Madame, épouse en légitime mariage du comte Hector Lucchesi-Palli, des princes de Campo-Franco, gentilhomme de la chambre du roi des Deux-Siciles, domicilié à Palerme (Sicile), ledit comte absent,

« Est accouchée, le 10 mai 1833, à trois heures vingt minutes du matin, d’un enfant du sexe féminin. Les prénoms de l’enfant sont Anne-Marie-Rosalie.

« Signé : Docteur DENEUX. »


Le procès-verbal de constatation a été rédigé séance tenante par l’un des témoins. La pièce, lue par mon cher confrère, a été insérée textuellement dans l’acte en question et, la rédaction terminée, le tout a été lu, relu, collationné avec la plus scrupuleuse attention, et l’on a procédé à la signature de ce document historique. Le général gouverneur a signé le premier, puis sont venus le président du tribunal, le sous-préfet de l’arrondissement, le procureur du roi, le commandant de la garde nationale de Blaye, un des adjoints au maire, et enfin M. Dubois, M. Deneux et moi.


Mardi, 14 mai.

Chaque matin, la femme de chambre exécute, sous la haute surveillance de l’accoucheur de Madame, une revue générale de la petite fille et le cher maître formule ses prescriptions à propos d’une foule de particularités hygiéniques ou autres. Au milieu de ce travail, Mme Hansler me fait remarquer la forme charmante des pieds de l’enfant.

— Cela ne m’étonne pas, dis-je. Mlle Anna a de qui tenir. La petitesse des pieds et des mains est un signe de bonne race : les Orientaux,