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appelle Tariirii. Nulle voix ne répond. Le capitaine Massé fait sonner le rassemblement : « Écoutez! n’est-ce pas une autre sonnerie de clairon que l’écho lointain nous renvoie? Quelles sont ces notes aiguës qui se mêlent au tumulte assourdissant de la cascade? Plus de doute, il y a un clairon là-haut; les volontaires nous appellent.»

Au cri de : « Vive le roi ! » toute la colonne soudain se met en marche; elle n’aperçoit plus les obstacles que naguère les moins portés au doute jugeaient insurmontables; elle vole de roche en roche au secours des braves qui, après une ascension de sept heures, se trouvent peut-être, en ce moment, aux prises avec un ennemi trop nombreux. — Eo acrius Romani instare, avidi gloriœ, certantes murum petere.

Les volontaires heureusement n’avaient pas besoin de secours : ils étaient arrivés sans bruit sur les épaules des défenseurs du fort. C’est une grande occasion de panique que d’être pris à dos, que d’entendre soudain, comme le dit Salluste, battre ou sonner la charge sur ses derrières : A tergo signa canere. — Tout occupés de l’attaque qui, depuis le matin, se dessinait au bas de la montagne, les insurgés n’aperçurent nos soldats qu’à l’instant même où Tariirii pénétrait dans l’enceinte. « Rendez-vous! » leur cria le chef taïtien en se jetant sur la hampe du drapeau. Les armes tombèrent des mains des insurgés. Nos soldats s’étaient contentés de les coucher en joue ; ils laissèrent à tous la vie sauve ; quelques-uns mirent à profit cette longanimité pour prendre la fuite. Se jetant à travers les précipices, ils gagnèrent les pentes du massif central auquel un sommet, déchiqueté comme les fleurons d’une couronne, a fait donner le nom de Diadème. Le suprême boulevard de l’indépendance taïtienne venait de s’écrouler, la résistance avait dit son dernier mot.

N’est-ce pas une page de Quinte Curce, — moins le style, — qui se serait, par mégarde, glissée dans nos annales? En racontant la prise du fort de Fatahua, nous avons décrit, sans nous en douter, les péripéties de la lutte dont les défilés des Uxiens et les Pyles persiques furent, au mois de décembre de l’année 331 avant notre ère, le sanglant théâtre. Ces combats héroïques qu’Alexandre dut alors livrer à Madatès, soutenir contre Ariobarzane, j’aurais eu quelque peine à y ajouter foi si mes propres frères d’armes, avec la fidélité d’une mémoire toute fraîche, ne m’en avaient, il y a plus de trente-cinq ans, retracé d’aussi prodigieux. Insoucians coupables que nous sommes, nous sautons à pieds joints par-dessus nos gloires; l’antiquité en aurait fait des épopées.


JURIEN DE LA GRAVIÈRE.