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réfugier en courant sur les pics les plus escarpés. De là ils l’ont pleuvoir sur les Perses une grêle de javelots et de flèches. « Ne craignez rien, s’écrie sur-le-champ Éphialte, vous n’avez pas devant vous un seul soldat lacédémonien! » Hydarne et les immortels, à ces mots, reprennent contenance; sans plus s’inquiéter d’une embuscade qui se tient sur la défensive, ils descendent rapidement le revers de la montagne. Xerxès, en ce moment, donne l’ordre à ses troupes d’attaquer de front. Rien ne sert aux Spartiates de reculer pour s’appuyer, ainsi qu’ils l’ont fait la veille, à leurs retranchemens; le pas des Thermopyles, cette fois, est tourné; il n’a fallu qu’une marche de nuit et quelques minutes de combat pour que l’accès de l’Attique fût ouvert.

Tous ces détails épars dans Hérodote, dans Arrien, dans Quinte Curce, dans Salluste, nous ramènent par une analogie incessante, à la brillante affaire qui décida la soumission des derniers insurgés de Taïti. Pas plus sur terre que sur mer, la stratégie n’a subi de modifications profondes; il n’est pas sans intérêt de le constater; l’intrépidité de la race humaine s’est aussi maintenue à travers les âges sans déchet sensible ; la seule chose qui, chez l’homme, me paraisse avoir baissé, c’est la force de résistance. Nous enlèverions encore les positions des Carduques, nous viendrions à bout des Pyles persiques et du roc de Mauritanie; nous ne recommencerions ni la retraite des Dix-Mille ni les campagnes d’Alexandre ; les plus vigoureux de nos bataillons disparaîtraient en route. Si les armées de l’Europe doivent se disputer un jour la possession de l’Asie, ne mettez pas en doute que ce grand héritage ne finisse par appartenir, non pas aux soldats les plus valeureux, mais aux soldats dont la trempe sera la plus dure.

Le 15 décembre 1846, le commandant Bruat donna ses derniers ordres. Deux colonnes prendraient part à l’expédition : une de ces colonnes, sous les ordres du capitaine Massé, comprendrait deux compagnies d’infanterie avec leurs clairons; l’autre, confiée au capitaine de frégate Bonard, que son grade supérieur appelait, en outre, à exercer le commandement en chef, se composerait de quarante-cinq artilleurs et de soixante matelots, lin chef taïtien dont nous avons déjà cité le nom, Tariirii, bien connu par son dévoûment et par son intrépidité héroïque, se mettrait à la tête des Indiens auxiliaires. Le 16, dès le point du jour, le capitaine Massé vint s’établir à l’entrée de la vallée de Fatahua, a près du gros mayoré jeté en travers de la rivière; » les Indiens prirent à gauche et se glissèrent, en rampant, au milieu des fourrés, où ils demeurèrent cachés toute la journée ; le commandant Bonard échelonna ses troupes de façon à pouvoir se porter rapidement au secours du détachement qui serait menacé. Ces dispositions prises, l’oiseleur se mit en route.