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aux Perses le moyen de tourner le pas des Thermopyles? Réfugié en Thessalie après la bataille de Platée, Éphialte ne tarda pas à recevoir le digne prix de sa trahison ; un habitant de Trachis l’immola, dans Antycire, aux mânes des soldats de Léonidas. Les Perses avaient déjà failli l’immoler à leurs soupçons.

Qu’il s’agisse du commandant Bruat, de Chirisophe, d’Alexandre ou de Xerxès, l’histoire croit avoir tout dit quand elle nous a jeté en passant ces quelques mots : « Il se procura un guide. » J’affirme qu’au fond il n’est rien de plus difficile, si ce n’est de trouver sur la côte ennemie un pilote. Il importe avant tout qu’un amiral ou un général en chef ait sa caisse bien garnie. Sait-on quelle fut la récompense du pâtre qui guida les Macédoniens aux Pyles persiques? Alexandre fit donner à ce berger, Lycien d’origine, la somme énorme de 165,000 fr. Le service rendu, à coup sûr, ne valait pas moins : ouvrez vos coffres et ménagez le sang de vos soldats; je crois vous donner là un bon conseil. Ce fut la politique de Xerxès : seulement un funeste hasard voulut qu’après avoir rencontré Éphialte, Xerxès allât tomber sur Thémistocle. Ce Thémistocle était un faux traître ; il ne donna que de pernicieux avis au puissant monarque qui croyait l’avoir acheté. Éphialte, au contraire, montra jusqu’au bout que le roi, l’eût-il payé son pesant d’or, aurait fait encore le meilleur des marchés. Une troupe choisie dans les rangs des immortels avait été placée par Xerxès sous les ordres d’Hydarne. Cette troupe traversa l’Asope près de son embouchure. Conduite par Éphialte, elle marcha toute la nuit, ayant l’OEta sur sa droite, les monts Trachiniens à sa gauche. Vers le point du jour, elle gravissait la pente en silence, sous le couvert d’un épais taillis de chênes, quand tout à coup, à la cime qu’on croyait déserte, retentit un bruit d’armes. Ce ne fut qu’un cri chez les Perses : « Le Grec nous a conduits dans une embuscade! » Éphialte, en cet instant critique, ne perdit pas heureusement son sang-froid; le calme dont il fit preuve pouvait seul lui sauver la vie. Le sommet du mont était en effet gardé, mais il l’était par des Phocidiens, troupe, — on le vit bientôt, — peu aguerrie et peu redoutable. Comment l’ennemi avait-il pu de si loin éventer l’approche d’un détachement qui se glissait sous bois sans proférer un mot, sans laisser les premières lueurs du matin briller sur ses armes? En fait de précautions, on oublie toujours quelque chose : le bruit des feuilles dont le sol est jonché, criant sous les pas des soldats qui s’avancent, a suffi pour éveiller l’attention des sentinelles. Quand nous traitons de la guerre de montagne et des mouvemens tournans, ce fait, mentionné par Hérodote, n’était-il pas à noter? L’alarme est donnée : les Phocidiens auraient dû charger la pique en avant et refouler les Perses jusqu’au bas de la montagne; ils songent d’abord à se mettre à l’abri et vont se