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M. Charles Blanc, puis M. de Chennevières et M. Eugène Guillaume, tous artistes ou écrivains ne s’étant jamais occupés de politique et s’étant toujours occupés d’art. Voyons au contraire les ministres ou les sous-secrétaires des arts : MM. Maurice Richard, Turquet et Antonin Proust, tous députés, tous hommes politiques, tous hommes d’état, c’est-à-dire ayant l’omniscience, possédant toutes les aptitudes et aussi capables assurément d’être ministres de l’instruction publique, de l’agriculture ou des affaires étrangères que ministres des arts. — Au reste, ces défiances bien fondées disparaîtraient devant certains titulaires du ministère des arts. Tant valent les hommes, tant valent les institutions. Il n’est pas impossible de trouver des députés qui feraient de bons ministres des arts. Dans l’ancienne assemblée nationale, il y avait M. Vitet, M. Beulé. (Malheureusement M. Beulé a préféré être ministre de l’intérieur.) Aujourd’hui, à défaut d’un Vitet ou d’un Beulé, un homme ayant seulement le sentiment de l’art et sachant prendre souvent conseil de ses chefs de service pourrait faire du ministère des arts une création utile et féconde.


II.

Dès les premiers jours, quelques esprits chagrins ont déclaré que le ministère des arts est une institution d’inutilité publique. Piqué au jeu, le nouveau ministre a voulu prouver bien vite qu’il a été nommé pour faire quelque chose. — Je m’agite, donc je suis. — L’intention est louable, mais M. le ministre des arts n’a pas assez écouté les conseils de la sagesse des nations qui commande de se hâter lentement. A peine installé, à peine renseigné, ne s’est-il pas avisé, tout en préparant une demande de crédit de plusieurs millions pour l’agrandissement de l’École des beaux-arts, d’élaborer un projet de réforme qui réduit à rien ladite École? Pour confondre ses détracteurs de parti-pris qui demandent ce que les artistes peuvent gagner à la nomination d’un ministre spécial, M. le ministre des arts supprime l’enseignement des beaux-arts.

L’enseignement donné aujourd’hui à l’École des beaux-arts comprend l’enseignement théorique général : cours d’histoire, d’esthétique, d’anatomie, d’histoire de l’art, de perspective, de comptabilité d’architecture; l’enseignement pratique élémentaire: cours de dessin et de modelage; enfin renseignement pratique supérieur, que les jeunes artistes reçoivent dans neuf ateliers : trois pour la peinture, dirigés par MM. Cabanel, Gérôme et Lehmann[1] ; trois pour

  1. M. Lehmann est démissionnaire. Le conseil de l’École avait proposé M. Hébert pour le remplacer, mais les projets du nouveau ministre ont tout au moins ajourné cette nomination.