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sur les évêques et même les cardinaux. Ce n’est pas ici le lieu d’énumérer les divers édits qui confirmèrent et renforcèrent successivement celui de François Ier. Mais il faut convenir que les princes de la maison de Valois y déployèrent une sorte de rage, et qu’en des circonstances où l’on s’attendrait qu’ils eussent assez d’autres affaires, et d’assez de conséquence, on est étonné de les voir tout à coup renouveler à l’envi les prescriptions, sous peine de mort, contre les libraires, les imprimeurs et les écrivains.

Au commencement du XVIIe siècle, la discorde se mit en Sorbonne. C’est alors que des lettres patentes, données en 1624, transférèrent à quatre censeurs désignés par le roi le droit qui n’avait appartenu jusqu’alors qu’à la Faculté tout entière assemblée. Enfin, en 1653, sous le chancelier Séguier, ces quatre censeurs, détachés en quelque manière de leur origine sorbonnique, devinrent censeurs royaux, aux appointemens de chacun 600 livres. Les privilèges ne purent plus être accordés que sous la garantie donnée par eux que le livre ne contenait rien de contraire soit à la religion, soit au gouvernement, soit aux mœurs. En conséquence de quoi, six ans plus tard, en 1659, on supprima tous privilèges généraux, c’est-à-dire portant permission d’imprimer, sans qu’il fût besoin de renouveler l’instance, tout livre à venir d’un auteur une fois jugé digne de cette marque de confiance. Il semble toutefois que l’on ne tint pas rigoureusement la main à l’exécution de cette mesure, puisqu’en 1686 nous voyons qu’il fallut renouveler l’édit de révocation ou suppression. Je nommerai Bossuet parmi les auteurs qui dans l’intervalle avaient obtenu de ces sortes de privilèges. « Il est permis à messire Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, conseiller du roi en ses conseils,.. de faire imprimer par tel imprimeur qu’il voudra… tous les livres qu’il aura composés ou qu’il jugera à propos de faire imprimer pour l’utilité publique : » Tels sont les termes du privilège, valable pour vingt ans, dont on trouve l’extrait à la suite du Traité de la communion sous les deux espèces (1682). L’édit de 1686 l’annula sans doute comme les autres, puisqu’en 1688 l’Histoire des variations est munie d’un privilège spécial. Bossuet du moins conserva le droit, comme aussi bien tous les évêques, d’obtenir ses privilèges sans avoir à passer par la formalité de l’approbation préalable. Le chancelier Pontchartrain, en 1702, voulut entreprendre sur ce droit, mais Bossuet défendit les prérogatives de l’épiscopat, et c’est grâce à lui que les ouvrages des évêques demeurèrent, — avec les factums des parties en procès, — les seuls écrits que l’on pût imprimer sans passer par l’examen des censeurs[1].

On croira sans peine qu’à mesure du développement de la littérature,

  1. Voyez sur ce point : Bossuet, Œuvres complètes. Éd. Lachat, t. XXXI ; et pour l’ensemble, dans l’Encyclopédie, les articles Censeur, Librairie, Privilège, etc.