Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/541

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moi sont infiniment flatteurs, et la différence de religion n’influe jamais sur ceux que je fais avec ardeur pour Votre Majesté... M. de Valori, disait-il en terminant, est plein de zèle, et s’il marque quelquefois un peu trop de vivacité, ce n’est que par l’extrême envie qu’il a de consolider la parfaite intelligence entre les deux cours, car il est pénétré pour Votre Majesté du plus profond respect et il en fait à toute heure le panégyrique[1]. »

On a vu en quoi consistaient les panégyriques de Valori; quant à son excès de vivacité, s’il en avait jamais été coupable, elle dut être singulièrement tenue en bride par l’accueil que fit à sa demande d’audience le ministre Podewils. Ce fidèle serviteur, qui n’avait pas été prévenu de la convention de Klein-Schnellendorf et ne la connaissait que comme tout le monde par la rumeur publique, avait probablement éprouvé à ses dépens que son maître n’aimait pas à être serré de trop près sur ce point délicat. Car, du premier mot que Valori lui en toucha : « Ah ! prenez garde à vous, s’écria-t-il, n’allez pas aigrir le roi ; un rien l’allume en ce moment, et je ne l’ai jamais vu plus difficile à traiter que dans les circonstances présentes, et si elles tournaient désagréablement, c’est vous qui en seriez personnellement la victime, parce qu’il ne manquerait pas d’en rejeter sur vous les inconvéniens. » « Ce discours, fait observer prudemment Valori, m’a donné beaucoup à penser. »

Effectivement la première entrevue entre le roi et l’ambassadeur, qui ne s’étaient pas revus depuis la prise de Neisse, fut des plus orageuses. D’abord le roi se refusa à donner aucune explication sur les bruits qui circulaient. «Qu’y puis-je faire? dit-il. Puis-je empêcher les gens de mauvaise foi de les répandre et les sots d’y croire? — Mais, fit remarquer Valori, c’est du maréchal Neipperg lui-même qu’on les tient. — A-t-il dit cela? c’est un mensonge qui lui coûtera cher. » Mais ce fut surtout quand il fallut en venir à la demande de prendre part à l’expédition de Bohème que la conversation s’échauffa. — « Je ne ferai pas un pas en Bohême, s’écria le roi, il est trop tard : pourquoi l’électeur n a-t-il pas agi plus tôt? Tout au plus pourrais-je prêter un régiment de hussards pour bien montrer que l’accommodement dont on parle n’est pas fait. Mais rien de plus. » — Puis il ajouta : « En février, j’entrerai et verrai où on est, si je suis content des arrangemens et des magasins qu’on aura établis, j’agirai en conséquence, mais si je vois que les affaires ne prennent pas une consistance moralement sûre, je me contenterai de garder ce que j’ai, et de déplorer la mauvaise économie que vous aurez mis (sic) dans vos opérations militaires. Je ne veux pas faire la

  1. Fleury à Frédéric, 19 nov. 1741. (Correspondance de Prusse. — Ministère des affaires étrangères.)