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se sépareront plus et qu’il faut que la reine les satisfasse tous ou se résolve à continuer une guerre qu’elle ne saurait soutenir... Je ne connais plus à la reine de Hongrie aucun secours humain ni aucune ressource, en Europe et il n’y a que celui du ciel qu’elle puisse attendre; mais il y a plutôt lieu de croire qu’elle en est abandonnée, puisqu’elle éprouve l’effet le plus marqué de sa colère par l’étrange aveuglement dont ses ministres sont frappés[1]. »

Valori avait l’instruction de transmettre, à lettre vue, au roi de Prusse le texte de ces franches et hautaines assurances. En retour, il crut pouvoir affirmer, preuves en main, que le roi avait repoussé de son côté les offres de Marie-Thérèse avec une sincérité égale et dont l’expression même était, suivant son usage, encore plus brutale. D’abord les premières ouvertures étant apportées de nouveau à son camp par l’infatigable Robinson, Frédéric déclara qu’il ne voulait pas même le voir. « Faites partir ce faquin d’Anglais, écrivait-il à Podewils : dites-lui pour toute réponse que je croyais qu’il se moquait de moi, qu’il savait ce que je lui avais dit en partant, que je ne lui parlerais même pas et que je vous avais défendu de négocier avec lui ; dites-lui tout cela d’un air piqué... et qu’il parte dans vingt-quatre heures de Breslau. » Et revenant à la charge le lendemain : — « Faites-moi partir ce coquin de négociateur que je ne puis souffrir: il serait infâme à moi d’entrer en négociation avec l’Autriche et l’Angleterre... Chassez-moi ce coquin et comptez que s’il reste plus de vingt-quatre heures à Breslau, je prends l’apoplexie. Envoyez-moi un courrier quand vous l’aurez chassé que je le sache dehors : si je le rencontre ou si je le trouve sur mon chemin je le dévisagerai, et sa... de reine de Hongrie et son fol de roi d’Angleterre n’ont qu’à être les dupes, l’un de son orgueil et l’autre de sa sottise... S’il vous demande encore une audience, refusez-le tout à plat. » Une petite note en allemand au bas de la lettre engageait Podewils à en donner communication à Valori pour qu’elle passât sous les yeux du cardinal[2].

Robinson, congédié de la sorte, ne pouvait reparaître. Restait toujours lord Hyndfort, agent officiel du roi d’Angleterre, avec qui on n’était pas en guerre, et qu’on ne pouvait traiter si cavalièrement. Il fallait bien recevoir ses communications ou ses visites. Mais Frédéric s’y prit de manière à ne laisser aucun doute à Valori sur l’accueil qu’il lui faisait.

« Je dois, écrivait cet ambassadeur à Belle-Isle, le 4 septembre (du camp de Neudorf, où il avait suivi Frédéric), vous rendre compte,

  1. Belle-Isle à Amelot, Francfort, 7 octobre 1741. (Correspondance de l’ambassade à la diète. — Ministère des affaires étrangères.)
  2. Pol. Corr., t., p. 319-320.