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allemands dans l’administration militaire, financière de son empire. Des agitations nouvelles en Égypte lui sembleraient une occasion favorable pour des interventions qu’il désire, que la diplomatie ottomane a essayé plus d’une fois de faire accepter. Ce que la Turquie n’a pas obtenu jusqu’ici, elle ne désespère pas de l’obtenir si les circonstances devenaient plus pressantes, et le gouvernement de la Porte n’est point d’ailleurs le seul qui se soit inquiété dans ces derniers temps de ce qui se passe au Caire. Il n’est point douteux que d’autres cabinets du continent se sont préoccupés de l’état précaire de l’Égypte, du danger des insurrections militaires, de la faiblesse du khédive. On dit même que, dans certaines chancelleries, on aurait eu la pensée de provoquer une négociation entre tous les gouvernemens, de faire appel à une délibération européenne. C’est là justement, sans doute ce qui a décidé la France et l’Angleterre, qui sont plus engagées que toutes les autres puissances dans ces affaires égyptiennes, qui ont des intérêts plus directs à sauvegarder, et dont le protectorat après tout existe déjà sous la forme d’un contrôle financier reconnu. L’Angleterre et la France, on le comprend, ont tenu à devancer toute tentative de la Porte ou des autres cabinets en même temps qu’elles ont voulu donner un avertissement salutaire aux agitateurs, aux chefs de mouvemens militaires qui pourraient essayer de faire des révolutions dans la vallée du Nil. C’est, en définitive, le sens de la communication diplomatique par laquelle les cabinets de Londres et de Paris ont officiellement informé le khédive qu’ils étaient prêts à l’appuyer contre les difficultés de nature à entraver la marche des affaires publiques, qu’ils ne reconnaissaient pour l’Égypte que le régime consacré par les firmans des sultans, accepté par les puissances européennes. Au demeurant, c’est une déclaration toute conservatoire, la confirmation pure et simple de ce qui existe, et les autres cabinets ne peuvent demander rien de plus.

La question ne risquerait de se compliquer que si le dernier acte de la diplomatie anglo-française restait sans effet et si la situation intérieure de l’Égypte s’aggravait assez pour qu’une intervention plus directe, plus décisive, devînt nécessaire. La note délibérée entre Paris et Londres semblerait indiquer que les deux cabinets ont tout prévu, que les périls intérieurs ou extérieurs auxquels le khédive pourrait être exposé « trouveraient la France et l’Angleterre unies pour y faire face. » En d’autres termes, la force appuierait au besoin la démonstration diplomatique. Ce serait assurément un acte qui aurait ses inconvéniens, auquel on ne se décidera sans doute qu’à la dernière extrémité; mais, dans ce cas même, dût-il se produire, l’intervention des deux puissances serait nécessairement combinée de telle façon qu’elle offrirait toute garantie à l’Europe, qu’elle n’aurait d’autre objet que l’indépendance de l’Égypte dans les conditions où elle a été